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Rentrée scolaire, rentrée sociale, rentrée parlementaire…

Et la rentrée pénitentiaire ?

Le jeudi 25 septembre 1997.

Élisabeth Guigou, alertée par une lettre ouverte d’un aumônier de prison a décidé de passer quelques jours de son mois d’août dans la visite de plusieurs établissements pénitentiaires. Pourquoi a-t-elle attendu que ce soit un aumônier qui l’interpelle ? Tous ses collaborateurs ont sûrement des dizaines de courriers de détenus dans leurs tiroirs pour dénoncer leur condition de détention : les cellules surpeuplées entraînant un grave dysfonctionnement dans l’hygiène, l’intimité et la dignité du prisonnier, le manque de soins (spécialistes, dentistes), le manque d’encadrement de « réinsertion » (un éducateur pour détenus, etc.) la misère de dehors amplifiée à l’intérieur pour ceux qui la subissent, la misère sexuelle et psychologique, les brimades, les arbitraires, les détenus atteints de pathologie graves qui meurent en prison. N’avait-elle pas eu le temps de consulter les chiffres des suicides pour l’année 1996 (138) : proportionnellement dix fois supérieurs à la population normale.

Quand la parole des détenus sera-t-elle prise en compte ? Quand les prendra-t-on pour des citoyens à part entière, responsables et à même de savoir quels sont leurs problèmes ?

Elle n’aurait pas eu le besoin de se déplacer, tout est écrit dans ses courriers. La seule différence c’est qu’elle a touché l’horreur de près. Que va-t-elle [faire] ? Rien de plus que les autres. Elle a déclaré : « qu’il fallait utiliser tous les moyens pour faire baisser la population carcérale », elle a parlé aussi « d’alternatives à la prison ».

Il n’y a pas besoin d’alternatives. Si les étrangers en situation irrégulière qui n’ont commis aucun délit n’étaient plus enfermés, si on légalisait la drogue, les prisons se videraient à peu près à 80 % de leur population.

Après, on pourrait alors parler sérieusement de politique de réinsertion. On peut attendre que ces décisions soient prises… mais elles ne le seront pas demain : on parle mais on ne fait rien. La prison n’a jamais été une priorité d’aucun gouvernement, de droite ou de gauche. La volonté politique n’entend que la « voix de l’opinion publique », celles des sondages et des « luttes à mener en priorité »… Mais les détenus ne sont pas prioritaires.

La promenade de Madame Guigou dans les prisons n’apportera donc rien de nouveau : des femmes et des hommes continueront à y perdre leur vie.

Peut-être y aura-t-il quelques réformettes : sur le droit à l’intimité par exemple puisque l’O.I.P. (Observatoire international des prisons) va être reçu par la ministre. Vont-ils avoir le courage de mettre en place les parloirs intimes ? Peut-être dans les Centres de détention où les peines sont de dix ans et dans les Centrales où elles sont supérieures à dix ans afin d’éviter les éventuelles mutineries et « apaiser l’angoisse des matons » devant la longueur des peines ? Alors qu’il faudrait mettre en place les sorties conditionnelles (sortie à mi-peine) et surtout autoriser davantage de permissions de sortie à un plus grand nombre de détenus.

Émission Ras les murs (Radio libertaire)