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Conférence sur l’emploi, les salaires et la réduction du temps de travail…

Du « sur mesure » pour les patrons !

Le jeudi 2 octobre 1997.

Décidément, cette conférence du 10 octobre aura été l’occasion d’une intox remarquable !

Annoncée avant l’été et présentée par le gouvernement Jospin comme une grande initiative en faveur du progrès social, elle se transforme (comme de bien entendu) en vaste fumisterie pour les salariés ; les valeureux « socialistes » se couchant devant les premiers aboiements de la bourgeoisie et du CNPF…

L’organisation patronale, qui n’en a jamais assez, faisait récemment mine de ne plus vouloir se rendre à la conférence. Une belle mise en scène qui permettait de « cadrer » encore mieux la rencontre et de tirer définitivement un trait sur la question d’une réduction du temps de travail généralisée et uniforme.

Sur le fond, le pouvoir entérine aujourd’hui le principe de la flexibilité tous azimuts, achève le démantèlement de la sécurité sociale. Bref, répond positivement, point par point, à toutes les exigences de la classe dominante…

Les « emplois-jeunes » en guise de gateaux-apéritifs…

La conférence est quasiment bouclée à l’avance. Histoire de limiter au maximum la marge de manœuvre et de négociation des confédérations syndicales, le pouvoir sert en apéro les emplois-jeunes.

Tout comme avec les TUC, les CES et l’allocation RMI, l’État continue la politique traditionnelle de « gestion de la misère » si chère aux libéraux « socialistes » et c’est un nouveau statut, précaire et misérable, qui est créé.

À noter que « l’emploi-jeune » va pouvoir inspirer directement les patrons dans leurs attaques contre le Droit du travail. En effet, l’État innove en « inventant » le CDD de plusieurs années reconductible à terme avec, au bout, la promesse d’une embauche — le CDD de cinq ans ayant servi de période d’essai ! Le CNPF ne ratera pas l’occasion de souligner cet aspect des choses, lui qui rêve depuis des décennies des contrats à la carte, de l’abolition pure et simple de la traditionnelle embauche sous CDI et qui peste contre les limitations auxquelles sont encore soumis les Contrats à durée déterminée.

La tête de la Sécu servie sur un plateau…

Mais il y a sans aucun doute plus grave que les emplois-jeunes !

Avec le basculement des cotisations sociales maladie sur la CSG, le pouvoir donne en fait un véritable coup de grâce au régime général de la Sécurité sociale. Contrairement à une cotisation sociale, qui est affectée à une dépense précise (il s’agit, pour la cotisation maladie, de la CNAM), les recettes d’un impôt vont là où l’État le désire ! Avec l’extension de la CSG, et le fait que le parlement vote dorénavant chaque année le volet des dépenses, la Sécurité sociale n’a donc plus beaucoup d’années (ou de mois ?) à vivre… Privée de ses cotisations, mise sous perfusion par l’État, elle pourra être « débranchée » dès le moment opportun.

Pour le patronat, c’est la plus grande des victoires. Pour lui, l’objectif, dans l’idéal, est bien de faire disparaître tout le système des prestations sociales, ou autrement dit les « revenus de transfert » ou « salaires différés ». Pourquoi ? Parce qu’il y a un formidable magot à la clé : les quelques 1000 milliards de francs de charges que les patrons versent encore à l’URSSAF…

Dans ce schéma « d’évolution » du système de protection sociale, l’État conserverait un rôle minimal « d’assistance publique », les associations caritatives et humanitaires s’occuperaient des cas les plus désespérés (en nombre croissant !) et les citoyens des classes moyennes iraient engraisser les assurances privées et souscrire au nouveau système des fonds de pension pour leur retraite.

Il y a même un bonus : le « toujours plus de cadeaux fiscaux »

L’effet d’annonce au sujet d’une plus grande taxation de l’épargne (20 milliards de francs pris sur les contrats d’assurance vie, les plans d’épargne logement et les plans d’épargne populaire) fera ricaner la bourgeoisie qui, pour preuve, n’a pas protesté une seconde contre ces mesures. Les capitalistes ont bien d’autres ficelles pour protéger leurs profits des foudres du fisc.

Par contre, le patronat pouvait être satisfait dès le début du mois de septembre, puisque Martine Aubry annonçait très clairement que des incitations financières seraient mises en place en faveur des patrons qui « sauront moderniser leurs méthodes de production, et annualiser le temps de travail ». Elle était toute aussi généreuse concernant l’ensemble du dispositif des aides à l’emploi : celui-ci devant être intégralement reconduit en 1998. Au total, les crédits de l’emploi, autrement dit les aides directes au patronat, devraient se monter à la coquette somme de 156 milliards de francs.

En dessert : Jospin fait du « de Robien »…

La réduction du temps de travail est résolument placée sous le signe de la flexibilité, de la rentabilité et de l’annualisation ! Jospin, victime d’une crise d’amnésie brutale, nous l’a affirmé : il n’a jamais promis les 35 heures payées 39 h. Les salariés seront donc forcément mis à contribution et cette conférence doit confirmer « qu’aucune mesure généralisée sur le temps de travail » ne sera prise.

La CGT tente bien de monter au créneau avec un projet de loi tout ficelé (excluant des surcroîts de flexibilité) mais en sachant pertinemment que ses propositions seront inacceptables, à la fois par le CNPF, le gouvernement, et la CFDT de Nicole Notat. La CGT (qui sur le terrain signe déjà des accords d’annualisation !) risque donc fort de remballer le dossier dans son carton sans autre forme de procès — mais l’important pour les leaders cégétistes, n’était-il pas surtout de montrer une attitude « radicale », en vue des élections prud’homales à la fin de l’année, et non d’entamer un réel travail de mobilisation ?

Par ailleurs, et depuis des semaines, les médias nous ressortent quelques exemples de cas quasiment « idylliques » de réduction du temps de travail (semaine de quatre jours, adoptée « démocratiquement » par le personnel — traduisez par des cadres sup ou des ouvriers que l’on menace de virer !).

Toujours en échange de l’ouverture des négociations branche par branche, entreprise par entreprise, et des incitations en faveur de l’annualisation du temps de travail sur le schéma de la loi de Robien, on nous annonce (grâce à l’opération sur la CSG) un gain de pouvoir d’achat de 1 %… Quelques miettes ridicules qui seront vite compensées, entre autre, par l’augmentation des carburants, des cigarettes etc. !).

Au bout du compte, seul un véritable mouvement social pourrait permettre de créer un rapport de force et une négociation à l’avantage des salariés (pour une véritable réduction du temps de travail, massive, uniforme et avec augmentation de salaire…) et sans compter un seul instant sur ces encravatés de gauche qui osent encore s’appeler des socialistes.

Régis
groupe Kronstadt (Lyon)