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Cinéma

« Nettoyage à sec »

Anne Fontaine
Le jeudi 2 octobre 1997.

Son premier film était Les histoires d’amour finissent mal en général. Suivi par Augustin, évocation délicieusement comique d’un garçon en mal de casting, une réussite. Consécration provisoire donc, avec Nettoyage à sec, en compétition à Venise, un prix pour le scénario, co-écrit avec Gilles Taraud.

Sur l’affiche de Nettoyage à sec : un fer à repasser de pressing. Sur la surface chromée du fer paraissent de gauche à droite les visages du trio du film : Charles Berling, le mari ; Stanislas Merhar, l’amant, de dos, étreignant la femme, Miou-Miou. Drame classique, l’employé couche avec la femme du patron. Faux. Le film débute avec le meeting, va s’encanailler dans une boîte et tombe sous le charme d’un numéro de travestis. Une imitation de « Sylvie et Johny » interprétés par un homme et sa sœur travestis. On sympathise, on échange les partenaires. Un chaîne de causalités s’engage : Belfort, c’est l’ennui, donc… Même un couple qui s’aime a besoin d’écarts, donc… quand Loïc le beau travesti va se présenter seul au pressing, les jeux sont faits. L’intrus va posséder… le corps de la femme du patron, puis, petit à petit, la planche à repasser, et tout le reste.

Mais, tarte à la crème, le désir pour le patron (Berling) ne passera pas. Le passage à l’acte sera l’erreur fatale. Mari et femme, dans un élan d’amour non altéré par le passage de l’autre, le jetteront aux oubliettes, après l’avoir supprimé.

Qu’on comprenne enfin, pourquoi les petits commerçants ne s’en sortiront pas ! Qu’on sache enfin pourquoi ce film n’a rien à voir avec le Théorème de Pasolini, où Terence Stamp (beau comme un ange) séduit toute une famille, y compris la femme de ménage, et transforme tout le monde par son passage.

Loïc (Stanislas Merhar), a aussi une beauté troublante, mais à part cela, parle et agit comme une petite frappe. Voila ce que ce film suggère : à supposer que Terence Stamp fut descendu dans cette famille là, ils n’aurait même pas été capable de voir la différence.

Banal à pleurer et à la limite insultant pour tous ceux qui font marcher un « nettoyage à sec », le film ravale le sentiment et l’émotion au plus bas. Le sexe, ça se consomme « cul sec », vite, comme un alcool blanc, à coups saignants comme l’arme blanche. On est à dix mille lieues de revendications ou de projets érotiques. Érotiser la vie entière, développer toutes les jouissances, y compris celle du cul serait un beau programme pour un film radical.

Au lieu de cela, on nous passe en revue des clichés sur ce qui advient dès que la jouissance pointe son nez. Qu’en savent-ils, les Anne Fontaine et Gilles Taurand ?

La position indéfendable du film, c’est de prétendre le savoir pour ces personnages-là.

Heike Hurst
émission Fondu au Noir (Radio libertaire)