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Le Mouvement anarchiste en Grande-Bretagne

Le jeudi 23 octobre 1997.

Cet article écrit par un membre de la Fédération anarchiste-communiste (ACF), organisation qui participera comme invitée au congrès de l’IFA, a pour but de donner une vue d’ensemble du mouvement anarchiste et libertaire en Grande-Bretagne aujourd’hui. Il ne prétend pas être absolument objectif mais essaie de donner au lecteur une idée assez précise de la situation telle que la voit un communiste libertaire actif.



La plupart des anarchistes anglais ne font pas partie d’une organisation nationale. Il n’existe pas de réseau unique comme la FAI en Italie. Il existe plutôt deux, et jusqu’à récemment, trois organisations qui se présentent elles-mêmes comme anarchistes ou anarcho-syndicalistes.

Il s’agit de la Fédération solidarité-AIT (SF-IWA) et la Fédération anarchiste-communiste (ACF). La Fédération Class War, la troisième organisation nationale, s’est récemment auto-dissoute.

La raison pour laquelle la plupart des anarchistes restent en dehors des organisations nationales vient surtout d’un sentiment de méfiance vis-à-vis de l’organisation et d’une tradition de localisme. Il existe plusieurs groupes anarchistes importants. Souvent les membres de la SF, de Class War et de l’ACF travaillent à l’intérieur de groupes locaux.

Un réseau coordonne les anarchistes au nord de l’Angleterre et une fédération les unit en Écosse. On trouve également dans ce pays le seul groupe féminin anarchiste, le groupe des femmes de Glasgow.

La plupart des groupes sont composés d’anarchistes partisans de la lutte de classes (class-struggle anarchists). En Angleterre cette expression est utilisée pour différencier les anarchistes révolutionnaires (anarcho-communistes et anarcho-syndicalistes) des partisans d’un certain « style de vie » (lifestylists), réformistes libéraux et primitifs [1]. Les anarchistes « lutte de classes », s’identifiant avec l’ancienne tradition anarchiste (Kropotkine, Malatesta, etc.) sont mobilisés dans le soutien aux travailleurs en lutte comme ce fut le cas avec les dockers de Liverpool.

La Fédération solidarité est une organisation de syndicalistes, certains se revendiquant anarchistes et d’autres simplement révolutionnaires, dont le but est de créer une union syndicaliste de tous les travailleurs. Elle est impliquée dans la création de réseaux au sein de différentes entreprises et est très présente auprès de la base des syndicats réformistes. Par ailleurs, elle prend son rôle dans l’Association internationale des travailleurs (AIT) très au sérieux. Les militants de cette fédération tendent à être moins « visiblement » anarchistes, et leur publication, Direct action, met l’accent sur les modes d’organisation libertaires plutôt que sur les prises de position politiques. Le légendaire journal Black Flag (drapeau noir) est associé à cette fédération.

La Fédération anarchiste-communiste (ACF rassemble les anarchistes autour d’un ensemble de buts et de principes. Elle met totalement l’accent sur le développement d’une analyse révolutionnaire tout en essayant également de s’impliquer dans les luttes sociales. Elle est souvent décrite comme une organisation plate-formiste en raison de son débat pour une unité théorique et tactique. Néanmoins nous ne nous considérons pas comme des plate-formistes. Nous avons des points de désaccord avec la plate-forme et nous pensons qu’un document écrit dans une situation donnée, en 1926, ne peut être la référence principale de la théorie révolutionnaire. L’ACF publie le journal trimestriel Organise !, possède ses éditions et sort plusieurs bulletins locaux et régionaux du nom de Resistance. L’ACF est favorable à la création de groupes de coordination et de lutte plutôt que d’une union syndicale. Notre organisation ne remet pas en cause la création d’unions syndicales mais nous voulons privilégier l’auto-organisation de la classe ouvrière. Pour que les ouvriers s’organisent eux-mêmes, il nous semble qu’ils doivent éventuellement laisser tomber la structure type du syndicat et créer des conseils d’ouvriers et de communes indépendants des syndicats. Au niveau international nous sommes en relation avec des groupes dans différents pays mais nous ne faisons pas partie de l’IFA (Internationale des fédérations anarchistes).

La Fédération Class War s’est dissoute pour des raisons politiques qui ne sont pas encore forcément très claires. Elle n’était pas à proprement parler anarchiste mais ouverte à diverses influences, principalement marxistes/autonomes et également populaires. Lors de sa création dans les années 80 elle a donné au mouvement anarchiste un élan dont il avait le plus grand besoin et a attiré principalement beaucoup de jeunes hommes de la classe ouvrière. Elle est devenue le plus connu des groupes anarchistes en raison de certaines actions qui ont fait grand bruit et ont contribué à populariser les idées anarchistes avant de la voir sombrer sous le poids de ses contradictions.

Depuis peu des anarchistes se sont réunis autour d’une action contre l’allocation pour les demandeurs d’emploi, un nouveau système d’indemnisation chômage qui nuit aussi bien aux demandeurs d’emploi qu’aux actifs. L’agitation, menée avec succès, au retour des récentes élections générales a également amené nombre d’anarchistes à se retrouver autour de la même table. D’autres libertaires ont également travaillé ensemble autour du projet « réclamons les rues », coalition d’action directe sur les questions de l’environnement. Enfin, il se pourrait que les choses soient en train d’évoluer. D’anciens membres de Class War et du groupe turc et kurdes du 5 mai ont appelé à un front uni anarchiste, incluant les groupes locaux et les organisations nationales.

Le secrétaire international de l’ACF


[1Les « primitifs » sont réunis autour du journal Green anarchists (anarchistes verts) et leur politique est anti-technologique, anti-organisationnelle, anti-lutte de classe mais pour l’action directe.