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Cinéma

De Beaux lendemains (« The sweet Hereafter »)

d’Atom Egoyan
Le jeudi 23 octobre 1997.

Une seule chose est sûre. Pour Atom Egoyan, il ne s’agit ni de lendemains « qui chantent » ni de déferlements d’histoires ou de destins, mais plutôt de récits multiples de gens « en état de choc » après un horrible événement. Quatorze enfants de la même localité périssent dans un accident. Le bus scolaire s’enfonce dans la glace après avoir quitté la route.

Son film débute sur le mode comique, tragi-comique. Un type (l’avocat qui se propose de défendre les droits de ces gens, Ian Holm) pris en tenailles dans sa voiture engagée dans un lavauto, dans les brosses qui tournent, essaie de répondre à un appel sur son téléphone portable. Combat perdu, du burlesque muet. L’imprévu, ici l’humidité ambiante, va mettre en échec, va détraquer la logique, aura raison des événements. Ainsi, le ton est donné. Toute organisation préalable, tout scénario préétabli va échouer. Ne subsisteront que les motivations strictement personnelles qui vont déterminer les paroles tues ou les mots dits. Et cela sera vrai pour tous les personnages, pour la trajectoire affective de chacune et de chacun. Un puzzle savant se met en place, les récits se répondent et se poussent comme à une porte devenue trop étroite. C’est un film splendide qu’il faut voir et entendre. Il ne suffit pas de le regarder et d’écouter. C’est une œuvre où la beauté est partout, dans la musique, dans la bande-son, c’est tellement intelligent que c’est inhumain. Et les « beaux lendemains », ce sont peut-être les traces de ce film en nous-mêmes, le petit bout du rideau qu’il lève sur les égarements du cœur et du corps.

Heike Hurst
émission Fondu au Noir (Radio libertaire)