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Cinéma

Le Bassin de J.W.

Joa César Monteiro
Le jeudi 23 octobre 1997.

J’ai rêvé que J. Wayne jouait merveilleusement du bassin au Pôle nord.

Serge Daney

Une fable « religieuse pour profanes » de Strindberg, courte pièce étrange et drolatique opposant un dieu paillard et pervers à un diable compatissant… Des interprètes qui la transposent dans leur vie… Un auteur dont les rêves s’incarnent… Des personnages aux identités mouvantes qui s’échappent, se croisent, se perdent, se pourchassent…

Le décor est planté pour une fantaisie surréaliste et truculente, variation sur les thèmes de la création, de l’activité onirique et du fantasme, fusionnés dans la poursuite du rêve de Charles Daney, que chacun des personnages, acteurs, auteurs et « leurs doubles » conjuguera à sa manière.

Dans cette œuvre conçue comme une fugue, des phrase de Breton, Aragon, Pasolini s’entrelacent en un syncrétisme poétique, thèmes secondaires d’une fable malicieuse sur les rapports entre l’œuvre et son créateur. Ce qui n’aurait pu être qu’une froide construction intellectuelle parsemée de références artificielles, crée un univers magique, un rien déjanté, baroque et fantastique, par la grâce de longs plans séquences fixes au sein desquels les acteurs peuvent s’exprimer en toute liberté.

La scène de la bibliothèque est remarquable à cet égard. Son [?] le mouvement est centré sur la gestuelle de l’un des trois personnages assis : Pierre Clémenti, qui, en auteur cynique et touchant, crève littéralement l’espace, et, lors de la lecture de la pièce, parvient avec Hughes Quester (le diable, le metteur en scène) à nous transporter dans le rêve qui l’a inspiré, lui donnant une dimension d’humour noir qui l’apparente à l’univers de Lichtenberg. Le physicien célébré par Breton dans son anthologie de l’humour noir, définissait en ces termes l’activité onirique, au lendemain d’un rêve qu’il fit huit jours avant sa mort : ****. En somme, la problématique du film de Joao César Monteiro.

Michèle Rollin