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À la petite semaine

Les Inutiles

Le jeudi 30 octobre 1997.

Depuis que par la magie du vocabulaire libéral tout individu doté d’un emploi stable s’est transformé en « privilégié », le fonctionnaire, déjà symbole en temps ordinaire du planqué parasite et profiteur à vie des largesses de l’administration, ne pouvait que devenir, en ces temps d’ardente nécessité de boucs émissaires, la cible rêvée des docteurs Knock du social, penchés sur les jambes de bois pour y appliquer leurs cataplasmes.

Une fois de plus, donc, un fin limier vient de découvrir un trop-plein de quelque cinq cent mille de ces petits mammouths bien nourris, dont on sent bien, à travers son rapport, que l’éviction d’un grand nombre d’entre eux redonnerait du tonus à une économie essoufflée et une santé prospère à une nation patraque.

Un réflexe bêtement solidaire inspiré par une vision étriquée de la lutte des classes amènera bien sûr les ennemis de l’intérieur à manifester à nouveau leur colère devant cette provocation. Les adversaires résolus de l’État, eux, trop heureux de participer à son affaiblissement, compléteront au contraire cette chasse aux inutiles en signalant aux chasseurs de têtes gaspilleuses qu’après enquête serrée, menée par notre département « économie et statistique », on dénombre très exactement, en emplois superflus, 577 députés, 321 sénateurs, 87 parlementaires européens, près de 200 collaborateurs à la Cour des comptes, quelques 500 préfets et sous-préfets, 1732 conseillers généraux, 231 membres du conseil économique et social, 9 au Conseil constitutionnel, 209 conseillers d’État, auxquels s’ajoute une foule de diplomates, tous parasites de haute volée entretenus à grands frais et en pure perte, au détriment des plus démunis.

On pardonnera le côté délation de notre propos, car il est des moments, dans un pays en crise prolongée, où la morale doit savoir s’effacer devant l’intérêt général.

Floréal