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Krach boursier : les pauvres paieront !

Le jeudi 6 novembre 1997.

Dix ans après le krach d’octobre 1987, Wall Street a connu un nouveau « lundi noir », le 27 octobre. L’histoire se répète. Cela n’a rien de surprenant. Déconnectés de l’économie réelle, les marchés boursiers ressemblent à un gigantesque casino. Depuis le début de la décennie, ils grimpaient sans limites apparentes. Ainsi, l’euphorie s’auto-entretenait. Mais cette confiance fragile peut s’évaporer rapidement et entraîner alors l’éclatement de la bulle spéculative.

Comme en octobre 1987, de nombreux journalistes et autres spécialistes n’ont pu se résoudre à incriminer la logique même de la dynamique intrinsèque du marché, sacré et donc parfait. Ils sont donc partis immédiatement à la recherche d’un bouc émissaire. Invoquée, la crise asiatique a été le détonateur donnant le signal du recul plus que la cause de ce nouveau krach planétaire. D’autres spécialistes ont préféré mettre en cause les coupe-circuits (qui permettent de suspendre les cotations au-delà de 10 % de chute), accusés de renforcer la panique. Ces mécanismes avaient pourtant été mis en place en octobre 1988 pour éviter un nouveau plongeon fatal.

Les pertes sur les places boursières asiatiques peuvent être estimées à plusieurs centaines de milliards de francs. À Bangkok, deux P.D.G. de sociétés en faillite se sont suicidés. Mais, au-delà de cette anecdote, ce sont les plus pauvres qui paient et continueront de payer pour les riches. La forte dévaluation, 30 % en moyenne sur les monnaies d’Asie du Sud-Est, augmente considérablement le coût de la vie, ce qui a de terribles conséquences pour les plus pauvres. En Thaïlande, des dizaines de milliers de salariés ont déjà été licenciés.

Le sort de l’Asie du Sud-Est pourrait bien être le même que celui du Mexique après la crise de décembre 1994. La fuite précipitée des capitaux, placés à court terme par des spéculateurs, y avait accéléré la chute de la monnaie nationale : le peso avait perdu 50 % de sa valeur. Sous l’impulsion des États-Unis et du F.M.I., l’État mexicain surendetté s’était alors vu octroyer un prêt historique de 47 milliards de dollars en échange de l’engagement de mener à bien un plan d’austérité draconien (baisse des salaires, réduction des dépenses publiques, nouvelles privatisations). Un an après, un million de salariés mexicains avaient perdu leur emploi.

La socialisation des pertes

Comme en octobre 1987, l’évolution des marchés le lendemain du krach constitue un enjeu déterminant. Une nouvelle fois, Wall Street, première place boursière, est remontée, donnant ainsi la tendance à l’échelle mondiale. En l’espace de quelques minutes, le marché est passé de l’antichambre de la mort à la résurrection.

Ce « miracle » n’a pourtant rien de mystérieux. La réserve fédérale, la banque centrale américaine, a assuré aux maisons de titres un financement sans condition et illimité de leurs pertes. La bourgeoisie démontre une nouvelle fois qu’elle n’est libérale que lorsque cela l’arrange. Le capitalisme, c’est la privatisation des profits et la socialisation des pertes !

L’histoire récente du Crédit lyonnais constitue une parfaite illustration de ce principe. En 1996, les pertes de cette banque ont été épongées sur fonds publics à la hauteur de 100 milliards de francs. Pour donner un ordre de grandeur, cette somme représente entre quatre et cinq fois le budget annuel du R.M.I. À la fin 1996, l’ensemble du système bancaire français portait 350 milliards de francs de créances en Asie du Sud-Est, dont 112 milliards sur Hong-Kong. Pour tenter de rassurer, toutes ces banques assurent évidemment s’être tenues à l’écart du financement de l’immobilier, le risque le plus dangereux aujourd’hui.

Une nouvelle fois, le Crédit lyonnais apparaît en première ligne. En effet, cette banque est l’un des trois plus importants acteurs mondiaux sur les marchés boursiers du Sud-Est asiatique. On sait que c’est déjà dans l’immobilier que s’est construite la débâcle du Crédit lyonnais. Une nouvelle opération de sauvetage sur fonds publics est à prévoir.

Patrick
groupe Durruti (Lyon)