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éditorial du nº 1397

Le jeudi 5 mai 2005.

Premier Mai, fête du travail, mais pas celle des travailleurs, qui n’ont même plus le goût d’aller manifester, ou alors sont dégoûtés de l’attitude de leurs centrales syndicales qui, de journées d’actions en manifestations encadrées, en passant par les grèves avortées, ne défendent plus les intérêts des travailleurs. Il est symptomatique de voir que les grèves réussies sont, ces derniers mois, celles qui ont eu lieu dans des entreprises sans traditions syndicales, tel Carrefour.

Il faut dire que le monde du travail en prend un sacré coup dans la gueule ces temps-ci : jours fériés supprimés, taux de chômage en hausse malgré les divers tripatouillages dans les décomptes et dans les procédures de radiation, licenciements à tout va, restructurations, délocalisations, etc. Le patronat tient le haut du pavé, et les ouvriers ne sont pas prêts à le ramasser, ce pavé, pour le leur foutre dans la gueule. Nous vivons une époque réaliste, où l’utopie n’a plus sa place. Il suffit d’ouvrir son poste de télévision, son quotidien ou d’aller surfer sur la vague intergalactique du réseau des réseaux pour être transporté dans ce monde réel qui nous entoure si cruellement. Plus personne ou presque ne remet en cause la version qui nous est imposée de la réalité. Car il s’agit bien d’une construction virtuelle de la réalité, qui nous est présentée, passée au travers de l’idéologie dominante du libéralisme triomphant, qui, depuis la chute du Mur, s’impose comme la seule alternative politique réaliste. La misère, par exemple, nous est démontrée comme un mal inéluctable contre lequel les charognards qui nous gouvernent prennent des mesures, tels des croque-morts en manque de bière. La liberté d’entreprendre nous est présentée comme le stade ultime de la liberté, celle qui prédomine dans le traité constitutionnel. Les individus, eux, ne valent pas grand-chose face à l’entreprise, à tel point que des patrons soiffards n’hésitent plus à proposer à leurs ouvriers un reclassement en Slovaquie ou à Madagascar, pour quelques dizaines d’euros par mois, tandis que le patron de Carrefour se fait licencier avec une prime au départ de 32 millions d’euros. Tout cela est naturel, dans la culture hypnopédique que nous distillent les médias à la botte des capitaux financiers. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.