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Brève histoire de l’anarchisme en Afrique du Sud

Le jeudi 13 novembre 1997.

Ce texte est extrait d’un entretien paru dans le troisième numéro de Red and black Revolution entre des militants de la Workers Solidarity Federation (organisation anarchiste sud-africaine) et la Workers Solidarity Movement (organisation anarchiste irlandaise).



Anarchisme et syndicalisme ont (ou tout du moins avaient) une place importante dans l’histoire sud-africaine, bien qu’elle soit manifestement cachée et obscurcie par les versions historiques officielles et « radicales ». Avant la fondation du SACP (parti communiste sud-africain) en 1921, les idées libertaires étaient courantes au sein de la gauche révolutionnaire. Une section du syndicat américain des Industrial Workers of the World (IWW) fut établie ici en 1911, se développant en dehors d’une organisation qui s’appelait l’Industrial Workers Union. Celle-ci fut crée par le Witwatersrand Trades and Labour council (WTCL) conservateur et corporatiste (et également raciste) sous la direction de Tom Mann, le révolutionnaire anglais venu en Afrique du Sud en 1910. La section sud-africaine des IWW, quant à elle, était liée à la section antiparlementaire de Chicago et à Voice of Labour (La voix du travail), journal local radical avec lequel ils étaient étroitement associés et qui publiait des articles d’anarchistes syndicalistes américains comme Vincent St John. Les IWW d’Afrique du Sud syndiquèrent principalement des blancs pauvres et non-qualifiés (et aussi d’autres groupes comme les travailleurs de l’imprimerie).

Ils lancèrent plusieurs grèves mais disparurent aux environs de 1913. Certains syndicalistes étaient également actifs à l’intérieur du W.T.C.L, dont il faut d’ailleurs souligner l’opposition à la politique raciste de l’organisation : par exemple ils syndiquaient aussi bien les mineurs blancs que noirs.

Lors du déclenchement de la première guerre mondiale, un certain nombre de révolutionnaires socialistes, dont des anarchistes et des syndicalistes, s’unirent pour former l’International Socialist League (ISL), une organisation qui s’opposait à la prise de position en faveur de la guerre de la Seconde internationale (représentée en Afrique du Sud par le raciste Labour party). Bien que l’ISL soit habituellement considérée comme un parti marxiste et comme le précurseur du SACP, les positions politiques internes étaient bien plus complexes.

Par exemple, le journal de l’ISL contenait des publicités pour La conquête du pain de Kropotkine et d’autres écrits socialistes non marxistes, et pas encore pour les travaux de Marx et Engels. La position dominante au sein de l’ISL semblait être « doleonite », c’est-à-dire un syndicalisme soutenant à la fois le syndicalisme révolutionnaire et la participation au parlement.

Cette espèce d’idéologie caméléon permit probablement d’assurer une certaine unité entre les divers membres de l’ISL, qui incluait un actif groupe anarcho-syndicaliste opposé à la participation aux élections capitalistes. Entre 1917 et 1918, les Deleonites et les anarcho-syndicalistes prirent l’initiative d’organiser l’Industrial Workers of Africa (initialement appelé IWW) qui fut le premier syndicat noir de l’histoire sud-africaine.

Les restes de l’Industrial Workers of Africa jouèrent un rôle important dans les luttes des travailleurs noirs en 1919-1920. Précédemment, les anarcho-syndicalistes quittèrent l’ISL et montèrent l’Industrial Socialist League qui était principalement basée au Cap. L’Industrial Socialist League semble avoir connu quelques succès dans la syndicalisation des travailleurs non blancs du lieu et maintint un local dans les ghettos du Cap.

À Durban, les syndicalistes s’impliquèrent dans une tentative réussie de syndicalisation des asiatiques. Par ironie, malgré sa politique libertaire, cette organisation se rennoma elle-même Communist Party of South Africa en 1920 et sollicita son affiliation à la troisième internationale comme le fit l’ISL L’Industrial Socialist League ne remplissait pas les conditions de l’adhésion, qui incluaient la volonté de s’engager dans l’activité électoraliste et de travailler au sein des syndicats réformistes. Finalement, elle fusionna avec l’ISL pour former le SACP officiel.

Une fois celui-ci établi en 1921, les idéaux marxistes devinrent prédominants au sein de la gauche révolutionnaire, même si quelques traces de l’ancien mouvement libertaire existent encore.