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Blondel est-il trotskiste ?

Le jeudi 13 novembre 1997.

Ce titre n’est pas un canular. Le dernier bouquin de Christophe Bourseiller [1] amène suffisamment d’éléments démontrant que la question mérite d’être posée.

L’auteur nous fait plonger dans le trouble univers du lambertisme. Représenté aujourd’hui par le Parti des travailleurs, ce courant trotskiste aux pratiques particulièrement sectaires tire son nom de son chef, Pierre Boussel dit Lambert. Depuis près d’un demi-siècle, les lambertistes tissent leur réseau d’influence sans faire de vagues : de rares apparitions publiques mais un insidieux travail de noyautage. Cet entrisme est utilisé par tous les courants trotskistes mais ceux-ci l’ont poussé fort loin et pratiqué tous azimuts, de FO au PS en passant par la FEN, la franc-maçonnerie ou la Libre pensée.

Au fil du bouquin, on retrouve régulièrement des personnages dignes d’un mauvais roman d’espionnage, tel Alexandre Hébert. Agé de près de quatre-vingt ans, ce responsable historique de Force ouvrière présente la caractéristique de s’affirmer, encore aujourd’hui, anarchiste alors que, dès les années soixante, il était l’un des principaux dirigeants du courant lambertiste. Poussant fort loin cette logique de la dissimulation, ces trotskistes sont allés jusqu’à conserver totalement secrète la réelle appartenance politique d’Hébert, y compris auprès de la très grande majorité des militants lambertistes. Hébert a pu ainsi en tromper plus d’un. Avancer masqué en arborant l’étiquette anarcho-syndicaliste est une pratique fréquente pour ces trotskistes : une des quatre tendances, tout autant officielle que purement fictive, du Parti des travailleurs, se prétend anarchiste.

Que vient faire Blondel dans cette galère ?

Le noyautage de FO par ces trotskiste avait déjà été largement facilité par son prédécesseur Bergeron. Mais, depuis que Blondel est devenu secrétaire général en 1989, ce processus semble s’accélérer et parait même changer de nature. Actuellement, les lambertistes tiendraient les rouages de cinq fédérations sur trente-trois et de quinze Unions départementales. Ils contrôleraient aussi trois postes-clefs de l’appareil : le journal de la centrale, Force ouvrière hebdo, le Centre confédéral de formation des militants et surtout le secrétariat de l’organisation.

Sur un autre registre, chacun a pu noter la radicalisation du discours confédéral qui correspond de plus en plus clairement aux orientations syndicales des lambertistes. Le rapprochement amorcé avec la CGT, l’ennemi historique, en constitue la parfaite illustration.

Bien sûr, ceci ne prouve rien. S’appuyant aussi clairement sur les lambertistes, Blondel a pris en tout cas le risque d’en devenir le prisonnier, perspective fort déplaisante quand on connaît leurs méthodes. La dissimulation constituant le principe même de l’entrisme, il est évidemment difficile d’y voir clair. Le bouquin de Bourseiller apporte pourtant un certain nombre d’éléments troublants. Citons-en deux.

En 1965, Blondel est nommé secrétaire de la Fédération F.O. des employés et cadres. Selon le témoignage d’un ancien membre du Bureau politique, les réunions du Comité central de l’OCI [2] entre 1965 et 1968 se seraient tenues justement… au siège de la Fédération des employés et cadres.

Daté du 24 mars 1986, le numéro 9 bis du Bulletin intérieur du Comité central du PCI, dont la diffusion est strictement restreinte aux seuls destinataires, annonce la constitution d’un pseudo-comité lambertiste d’aide aux démocrates et socialistes haïtiens. Les tout premiers adhérents du comité sont Marc Blondel et Claude Jenet, l’actuel responsable de l’organisation à FO Le lendemain même, un nouveau numéro de ce BI est précipitamment tiré. On peut y lire ceci : « Comme vous l’aurez compris, la liste de signataires syndicalistes français […] est une information INTERNE ». Apparemment, le nom de Blondel ne doit pas être prononcé dans certains lieux.

Bien informé, le bouquin de Bourseiller mérite d’être lu. Il ébrèche en tout cas sérieusement l’image de syndicat indépendant qu’aime tant afficher Force ouvrière.

Patrick
groupe Durruti (Lyon)


[1Cet étrange Monsieur Blondel, enquête sur le syndicat Force ouvrière. Bartillat, 1997.

[2L’organisation lambertiste a porté successivement différents noms dont OCI et PCI