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Normandie

Du rififi pour l’EPR (European Pressurised Reactor)

Le jeudi 9 septembre 2004.

Ce n’est pas toujours marrant d’avoir raison. On le sait qu’on ne peut pas avoir confiance dans le PS, n’empêche…

Ce n’est un mystère pour personne : le gouvernement milite pour l’implantation d’une centrale nucléaire de nouvelle génération, de type EPR. Alors que la plupart des pays se prononcent contre le nucléaire et, petit à petit, abandonnent et ferment leurs centrales, la France, elle, se situe dans une autre stratégie : celle d’être un fournisseur d’électricité au niveau européen. Il s’agit d’un calcul économique à court terme lorsqu’on met bout à bout le temps de construction d’une centrale (10 ans), le temps de démantèlement (20 à 30 ans), les transports dangereux, la « gestion » des stockages radioactifs pour des milliers d’années et les risques liés aux trente années d’exploitation d’une centrale.

Les centrales nucléaires françaises se font vieilles et arrivent en limite d’âge. Ce qui implique des risques d’incidents et d’accidents plus fréquents et plus dangereux. En même temps que le matériel vieillit, comme dans le privé, EDF et la COGEMA font de plus en plus intervenir des entreprises extérieures pour la maintenance, avec tous les problèmes y affairant : mauvaise connaissance des installations, sous-qualifications, conditions de travail hors statut et possibilité de se débarrasser facilement du personnel lorsque celui-ci a reçu sa dose de radioactivité annuelle. Enfin, la COGEMA essaie d’obtenir des dérogations et des années de fonctionnement des centrales supplémentaires pour faire la jonction avec l’EPR.

En Haute-Normandie, l’opposition au nucléaire n’est pas très forte, les villes et villages voisins des centrales de Penly et Paluel bénéficiant des mannes financières d’EDF.

Lors de la campagne à l’appel du réseau Sortir du nucléaire, en mai dernier, la manifestation nationale qui se déroulait à Rouen ne réussit même pas à réunir un millier de manifestants. Pendant le meeting antinucléaire de ce réseau, auquel participait le groupe de Rouen de la FA, les militants de la LCR, des Verts et de Greenpeace ont appelé à interpeller les élus, particulièrement du PS, pour sortir de la logique nucléaire, préférant ainsi s’en remettre aux partis politiques traditionnels plutôt qu’à essayer de développer une information et un combat à la base.

Pendant la campagne des dernières élections, les candidats PS se prononcèrent contre l’implantation de l’EPR, suivant en cela la position nationale de leur parti.

Cela ne dura pas longtemps : à peine élu, le nouveau président du conseil régional de Haute-Normandie (jadis militant LCR) est vite devenu « raisonnable » et a déclaré : « Tant qu’à avoir une centrale nucléaire de type EPR, autant qu’elle soit construite chez nous. Ainsi nous pourrons surveiller et contrôler ce qui s’y passe. » Fin mai, c’est l’ensemble des élus PS du département qui ont fait voter une motion « d’urgence » demandant que le futur réacteur nucléaire EPR soit installé à Penly.

En région Basse-Normandie, elle aussi très touchée par le nucléaire avec La Hague et Flamanville, même type de démarche : à la suite d’une motion pro-EPR présentée par l’UMP, le groupe socialiste du conseil régional a présenté une autre motion pro-EPR, ajoutant un chapitre sur la diversification énergétique et sur le développement durable, pour paraître de gauche. Les Verts ont présenté une motion anti-EPR. Au moment du vote, c’est la motion PS qui est passée car les Verts, plutôt que de voter contre, ont préféré s’abstenir pour ne pas mettre leurs alliés dans l’embarras.

Penly ou Flamanville donc ? Les deux régions se sont présentées en concurrentes sans que les populations aient été informées ni consultées.

La décision finale de l’implantation du réacteur EPR ne dépend ni du département, ni de la région mais est prise au niveau gouvernemental. Il n’empêche que le PS, qui se présente comme une alternative à la droite, prouve son ralliement au lobby nucléaire (à l’heure où celui-ci est remis en question) et prouve également que la politique du PS n’a rien à envier à celle de la droite (mais ça on le savait déjà).

Jean-Pierre Levaray