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Les recalés de la maternelle

Le Surréalisme est vivant !

Le jeudi 9 septembre 2004.

À la mort d’André Breton, en 1966, ceux qui ne cessent de surveiller l’agonie du surréalisme pensent que cette fois tout est joué. Ainsi, André Pieyre de Mandiargues, écrivain qui participa après 1947 aux activités surréalistes, puis s’en écarta, déclare : « Le surréalisme est sa création, son invention et sa propriété. […] Et tristement j’ajoute qu’il me paraît que désormais le surréalisme est un domaine clos. » (Le Nouvel Observateur, 5 octobre 1966). La refonte de l’entendement humain à laquelle prétend le surréalisme peut être désormais réduite aux qualités et aux défauts d’une seule personne, de même la dynamique engendrée par la création individuelle et l’investigation collective. Le surréalisme est alors réduit à son périmètre parisien. Pourtant, en 1966, alors que les journaux français clament la mort du surréalisme, se crée le groupe surréaliste de Chicago.

Mais ces discours répétés vont bientôt entrer en résonance avec une succession de crises dans le groupe parisien et avec les événements de mai 1968, lesquels vont sommer le mouvement surréaliste d’être à la hauteur de son projet. Impossible de redire formules et recettes, le mouvement social invente et vite.

L’Archibras, nouvelle revue en projet depuis l’arrêt de La Brèche, voit son premier numéro en avril 1967. La même année naissent deux projets d’exposition, l’une à Sao Paulo, l’autre à Bratislava. L’exposition « Le Principe de plaisir » est présentée successivement à Brno, Prague et Bratislava en 1968. La venue, en nombre, du groupe de Paris va permettre d’écrire un texte d’orientation : La Plate-forme de Prague, laquelle, surmontant les divergences tant politiques que personnelles, ouvre un champ plus large aux investigations. Elle souhaite une « régénérescence de l’idéologie révolutionnaire », en appelle au « dialogue avec toute individualité et tout mouvement organisé qui mettent en échec les systèmes répressifs », à libérer les « pouvoirs et les désirs immobilisés dans l’inconscient » et à un certain nombre de modalités pratiques pour que l’imaginaire tende à devenir réel. Le texte est publié dans L’Archibras en septembre 1968.

Les surréalistes tchécoslovaques n’ont pas vraiment la même analyse politique que les Français. La divergence de fond est sans aucun doute le soutien apporté par nombre des surréalistes parisiens à la révolution cubaine, ce dont témoigne le texte « Pour Cuba », publié dans L’Archibras, nº 3, en mars 1968. Les Praguois, plus lucides, considèrent ce soutien comme une grave erreur. En août, les troupes soviétiques envahissent la Tchécoslovaquie, et Fidel Castro approuve. Mais l’effervescence du printemps et les rencontres de l’été 1968 ont scellé des amitiés et des complicités, dont les liens actuels entre les groupes des deux villes témoignent encore de la force.

Rappelons que les années 1970 sont marquées par un mouvement de révolte étudiante en France et par ce que l’on a appelé le printemps de Prague, mais la secousse est planétaire. La riposte des polices et des armées est d’importance. Le Gladio est mis en place par la CIA et les gouvernements européens. Le massacre de la piazza Fontana en Italie, en 1969, attribué d’abord à un anarchiste est une terrible illustration du terrorisme d’État. Des années plus tard, il sera reconnu qu’il fut le fait de groupes d’extrême droite. Le gouvernement socialiste d’Allende, au Chili, dont les États-Unis ne veulent pas, est à son tour mis bas par le coup d’état de Pinochet, le 11 septembre 1971.

En 1968, les surréalistes parisiens ont été présents dans divers lieux de la contestation. De nouvelles arrivées aux réunions ont pu laisser penser que le groupe allait se renforcer. La crise couve pourtant. Elle est près d’éclater à l’occasion d’un projet d’exposition à Stockholm. Alors que les surréalistes proclament haut et fort leur volonté de subversion, certains envisagent une exposition parrainée par le roi de Suède. Face aux critiques de Bounoure, le collectif se rétracte puis accepte que José Pierre, organise « sous sa propre responsabilité » une exposition « sur » le surréalisme et non une exposition surréaliste. Ce qui permet d’éviter provisoirement la rupture. Mais les conflits deviennent d’une extrême virulence.

En février 1969, Jean Schuster, l’un des animateurs du groupe parisien, décide de se retirer. D’autres en viennent à annoncer l’auto-dissolution du groupe, le 28 mars. Le 19 mai, Schuster écrit dans une lettre : « Afin de couper court à tout procès en légitimité, l’activité à venir ne se parera pas de l’étiquette surréaliste. »

Les Tchécoslovaques, le 3 juillet 1969, adressent aux Parisiens un texte collectif : « Pour que l’on n’oublie pas tout », que cite Alain Joubert dans Le Mouvement des surréalistes ou le fin mot de l’histoire. Ils refusent le coup de force parisien, si peu de temps après La Plate-forme de Prague qui ouvrait grand les champs de l’investigation. Ils récusent les décisions des Parisiens alors qu’eux subissent le retour des méthodes staliniennes.

Jorge et Margarita Camacho, de vive voix, puis Bounoure, par lettre, témoignent auprès de leurs amis tchécoslovaques de la rapidité d’extension des ravages. Bounoure confie à son ami Effenberger ses craintes quant au devenir de la pensée et de l’éthique collectives. Et il poursuit : « D’abord j’ai dit […] que je me considérerais désormais comme un surréaliste en exil ; cela signifie qu’en attendant qu’un mouvement surréaliste puisse se reconstituer à Paris sur des bases sérieuses, je travaillerai avec les camarades étrangers. Car, comme on disait en mai, les frontières on s’en fout. »

En septembre, Jean Schuster publie dans Le Monde « Le Quatrième chant » dans lequel il annonce la fin du mouvement surréaliste. Le 25 octobre, Jean-Louis Bédouin lui répond et lui conteste le droit de décider pour tous.

Ceux qui, à Paris, continuent de s’affirmer surréalistes et sont prêts à poursuivre l’aventure collective, décident de pratiquer une forme d’« écart absolu » et de se replier dans des recherches et investigations plutôt que d’occuper la place publique. En novembre 1970, dans le numéro 1 du Bulletin de liaison surréaliste, fascicule ronéotypé, on peut lire : « Il n’est du droit de personne de définir une “ligne surréaliste” et moins encore d’en imposer le tracé. » Refus de polémiquer, « retrouver si possible le goût d’agir ensemble » caractérisent les intentions des surréalistes qui veulent courir cette aventure. Dans cette livraison, un message d’Albert Marencin, poète et collagiste de Bratislava, rappelle la difficile situation des surréalistes tchécoslovaques et l’importance pour eux d’une fenêtre ouverte sur des débats et des analyses avec des amis étrangers.

Répondant à une enquête de la revue belge Gradiva, en 1971, Bounoure écrit à propos du groupe : « Ce ne sont ni les dissensions internes ni les affaires de personnes qui l’ont fait éclater, c’est l’inadéquation de moyens à ses fins, la disproportion entre une présence publique abusivement soutenue au-delà de toute vérité et une activité lacunaire paralysée par l’exhibitionnisme collectif d’où elle espérait obscurément tirer ses ressources essentielles. » Les témoignages de Joubert et des amis qui vécurent ces moments-là, traduisent le drame affectif, la colère, parfois encore prête à surgir.

Mais Jean Schuster avait acquis à ses conclusions un certain nombre d’acteurs du mouvement. Nous retrouvons ceux-ci dans une publication appelée Coupure. Sorte de journal qui se veut en prise avec l’actualité politique et se veut polémique et pamphlétaire. Il semble le fait non d’un collectif, mais d’agitateurs divers dénonçant les entraves à la liberté d’expression, soutenant par exemple La Cause du peuple, un journal maoïste qui vient d’être interdit. Coupure cesse de paraître en janvier 1972. C’est l’année où naissent les éditions Maintenant qui vont publier des textes et images de Toyen, Georges Goldfayn, Gérard Legrand, Annie Le Brun, Radovan Ivsic, Pierre Peuchmaurd. En 1974, ils font paraître un texte polémique Quand le surréalisme eut cinquante ans. Ce texte semble ne s’adresser qu’à ceux qui savent. Les autres ont bien du mal à comprendre. On peut lire au milieu d’une volée de règlements de compte que « la voie de la révolution surréaliste ne s’en poursuit pas moins ».

Les historiens du surréalisme achèvent en général leurs écrits sur ces considérations. Quelques-uns signalent La Civilisation surréaliste, publiée chez Payot en 1976, parfois les deux numéros de la revue Surréalisme, qui fait suite au BLS, mais c’est pour approuver Jean Schuster quand il décida de mettre la clé sous la porte. Bien entendu, le numéro un d’Analogon, publié en 1969 à Prague, est souvent passé à la trappe. Seule la revue Change 7e (« Le possible contre le réel ») permet aux lecteurs des années 1970 de savoir que le surréalisme continue en Tchécoslovaquie, et le festival du cinéma d’animation d’Annecy donne à voir les films de Svankmajer.

En 1997, dans l’ouvrage de Gérard Durozoi, Histoire du mouvement surréaliste (650 pages), Vratislav Effenberger est cité deux fois, Martin Stejskal une fois, Jan Svankmajer et Karol Baron une fois, Analogon pas une seule.

Henri Béhar et Michel Carassou auteurs du livre Le Surréalisme, édité en 1984, puis en 1992, évoquent une seule fois le groupe tchécoslovaque des années trente et Styrsky. Ni Teige, ni Nezval, ni Toyen ne sont mentionnés. Le centre de recherche sur le surréalisme de l’université de Paris, que dirige Béhar, a conçu une banque de données, consultable par Internet, dont les erreurs et les manques traduisent peut-être plus l’inconséquence que la malhonnêteté. Mais ces falsifications nous amuseraient plutôt ; ainsi, quand nous avons vu l’un de ces universitaires appeler ses étudiants à aborder le nouveau terrain de recherche signalé par le livre d’Alain Joubert. Hélas, ce nouveau champ à labourer… c’est le nôtre, celui du surréalisme vivant !

Mais ce qui nous importe aujourd’hui est de tracer l’arc qui va de l’éclatement de 1969 à l’activité du mouvement surréaliste actuel, et plus particulièrement les relations Paris-Prague.

Effenberger écrivait dans le nº 4 du BLS, en 1971 :
« À la détérioration des valeurs culturelles doit répondre le dynamitage des prisons intérieures : la libération de la vie quotidienne. » Il espérait en « des idéologies qui permettront une revalorisation permanente de la rationalité, de la spontanéité et de l’anarchisme ».

La complicité entre Bounoure et Effenberger, nouée au moment de la rédaction de La Plate-forme va devenir le ciment d’un château visible des seuls « initiés » jusqu’à la publication de La Civilisation surréaliste, en 1976 chez Payot. Cet ouvrage contient plusieurs textes de Bounoure, mais aussi d’Effenberger, certains écrits en commun au mépris du rideau de fer. Pour Bounoure, il est clair que le centre de gravité du mouvement s’est déplacé de Paris à Prague

Les investigations qui se mènent à Prague sont communiquées à Paris. Un projet de livre sur l’érotisme qui devrait faire suite à La Civilisation est conçu. L’enquête sur la morphologie mentale est discutée. Quelques Parisiens y répondent. Deux expositions à la galerie le Triskèle permettent de voir, en 1978, des œuvres venues de Tchécoslovaquie.

Les différences entre les deux groupes sont néanmoins patentes : refus chez les Tchèques du lyrisme de tout ce qui paraît « para-poétique », mais plongée dans le réel, dans ce qu’il a parfois de plus scabreux, de plus dérisoire.

Le groupe de Paris a du mal à surnager, voyant un à un s’en aller les artisans du BLS. Il y a pourtant de nouveaux arrivés, et un nouveau groupe se crée en Argentine.

Mais la relation entre Effenberger et Bounoure reste profondément ancrée dans une sorte de pacte du noir et d’absolue exigence éthique. En témoigne un courrier adressé en août 1982 par Effenberger à Bounoure, à propos d’un projet de déclaration commune. Effenberger pense mettre au jour les prédispositions qui, dans l’enfance, « conduiront plus tard à une division des mentalités en types atectoniques, dialectiques, revalorisateurs, et mentalités tectoniques, positivistes, conciliants  », non dans la simple description de l’environnement de chacun d’entre nous mais afin de « déceler la façon dont cet enfant, dans cet environnement, a commencé de découvrir l’univers et en même temps, de former sa compréhension personnelle qui est encore libre de tous les genres de facteurs éducatifs ». Cette enquête est relancée dans les années quatre-vingt-dix, ses résultats sont publiés dans Analogon.

Effenberger meurt en 1986, mais le groupe de Prague continue ses activités clandestines. Quand se relève le rideau de fer, c’est à un renouvellement du paysage que l’on assiste partout. Si le groupe de Chicago a continué vaille que vaille, il n’est plus seul puisque des groupes apparaissent à Leeds, Stockholm, Madrid, Ioannina.

Le groupe de Paris s’étoffe avec l’arrivée de jeunes gens et avec d’autres moins jeunes, notamment à l’occasion des protestations contre la guerre du Golfe qui s’annonce et du tract « à la mémoire des cadavres futurs ». Les relations avec Prague sont désormais aisées, et l’effervescence des Tchèques stimule les Parisiens qui découvrent peu à peu tout ce qui fut fait et dont parfois ils ne connaissaient que les têtes de chapitres. Des liens qui se nouent alors, nous pouvons dire qu’ils semblent être là de toute évidence, fruits d’un passé commun et de déterminations profondes.

Pourtant les groupes de Paris et de Prague, s’ils présentent des faces semblables, semblent toujours courir sur des chemins en apparence opposés. Le refus du lyrisme, du romantisme, de ce qui est illusoire qui caractérise les Tchèques peut sembler être une des différences majeures qu’illustre la critique qu’ils font d’Arcane 17.

Des discussions sur la question politique animent certaines rencontres, les Parisiens, les Espagnols, les Anglais ayant des positions de critique radicale du capitalisme et n’hésitant pas à descendre dans la rue. Nous pourrions peut-être aussi noter une tendance plutôt philosophique à Prague et une tendance plutôt poétique à Paris. Les Tchèques reprochent toujours aux Parisiens leur manque de férocité, d’humour, alors que le leur est ravageur.

Les Parisiens avancent à pas lents et s’étonnent de la rapidité de leurs amis qui multiplient publications et expositions. En 2004, seulement quatre numéros de S.U.RR… ont été publiés ! S.U.RR…, c’est-à-dire « surréalisme, utopie, rêve, révolte », dont le premier numéro est publié en 1996, est la revue du seul groupe surréaliste. Elle traduit l’exigence d’une mise en évidence de l’activité collective et d’une mise en commun de la pensée. Chaque numéro a ainsi une sorte de thème, à la manière des expositions internationales du surréalisme. Les propositions sont collectivement discutées, de même que les textes sont soumis à tous.

Le moteur étant le désir, il advient que celui-ci s’absente ou que la morosité ravage une initiative qui s’était pourtant présentée sous de belles couleurs. Nous y laissons aussi la porte grande ouverte aux créateurs d’art immédiat : art brut, médiumnique, singulier, comme aux civilisations que l’Occident a toujours méprisées. Si nous devions caractériser quelques-uns des lieux majeurs des surréalistes parisiens, ces dernières années, nous pourrions dire :
— Que l’attitude politique est radicalement anticapitaliste : refus de la marchandise, qui implique une distance maintenue avec le marché de l’art, comme avec les institutions d’état. Anticapitaliste, anti-étatique, comme depuis les origines.
— La lutte contre la domination des esprits et leur colonisation est aussi un fer de lance du groupe parisien. Si quelquefois nos tracts semblent être en trop grande prise avec la réalité vécue, nous nous efforçons toujours de mener nos dénonciations à la lumière de notre utopie qui est celle d’une civilisation surréaliste.
— Cette vigilance à l’égard de toutes les forces qui conduisent à l’asservissement au système dominant va de pair avec des activités tendant au réenchantement du monde : qu’il s’agisse des enquêtes, des jeux, des dérives, de l’intérêt aux manifestations des hasards objectifs. Cela implique des confrontations avec des démarches aussi dissemblables que celles des hermétistes, de Freud, de Jung, de Jacques Lacan, de Gilles Deleuze, de Georges Bataille ou de Jean Baudrillard, de Guy Debord ou d’Ernst Bloch, de Fourier, de Walter Benjamin ou de Giorgio Agamben.

La notion d’« excédent utopique », par exemple, ou celle d’« inquiétante étrangeté », tout comme les passions de Fourier ont non seulement alimenté notre réflexion critique mais sont en relation directe avec certains jeux, voire certaines créations individuelles. Être en éveil, être des éveilleurs, ainsi qu’a pu l’écrire René Alleau dans La Civilisation surréaliste, voilà d’abord ce qui pour nous caractériserait notre pratique.

Le possible est un moment du réel, et l’utopie n’est pas une sorte d’appel vers un monde illusoire, mais ce qui tend à devenir réel. Toutes les expérimentations des surréalistes parisiens tendent dans cette direction.

Ce qui nous met en mouvement est toujours, au fond du noir, du pessimisme lucide, serait-ce dans le sarcasme, un espoir, qui parfois devient réalité, en la force de la poésie.
— Les recherches sur le fonctionnement de l’esprit, la géographie passionnelle, le désir, la volupté, le langage en son corps et ses lettres sont nourries de nos expériences, de nos enquêtes et analyses, de jeux sans fin, jubilatoires.

C’est pour cela sans doute que nous n’abdiquons pas. Nous ne renonçons ni à notre enfance, ni à nos rêves, ni à cette pratique collective dont on nous assure, depuis trente ans et plus, qu’elle ne mène à rien. La force de l’amitié nous tient dans les tunnels où rien n’advient de stimulant pour l’esprit ou pour le cœur.

La nécessité de repli qui s’est imposée dans les années soixante-dix a permis de créer des liens d’une qualité qu’il n’avait jamais connue précédemment. L’arrivée de nouveaux jeunes amis nous est bien évidemment extrêmement précieuse, de même que les liens aujourd’hui plus faciles avec les autres groupes, comme avec les amis isolés.

La communauté surréaliste, toujours à la merci de ruptures, n’est plus celle des années vingt. Jamais une telle simplicité, alliée à une telle connivence, n’aurait été pensable autrefois, selon Michel Zimbacca. J’ajouterai que jamais dans l’après-68 et dans les groupes qui prétendaient libérer la parole comme le désir, je n’ai rencontré une telle liberté et une telle réception de l’expérience et des analyses d’un autre, hors complaisance, hors fusionnel.

Comme le rêve, les trouvailles, les hasards objectifs, les jeux mettent au jour des fusions et des étirements temporels, dont le moins qu’on puisse dire est que nous ne faisons qu’en approcher les premières données. Ces moments qui nous émerveillent échappent à la loi marchande comme à celle de la communication, ils mettent en œuvre une transmission dont nous savons qu’il ne tient qu’à nous d’en débrouiller les premiers fils d’opacité. Ils supposent non seulement la mise en œuvre du principe de plaisir, mais aussi celle du principe de réalité.

Lors d’un pique-nique que nous avions organisé en 1992 au centre Pompidou pour ridiculiser d’anciens surréalistes qui prétendaient rendre hommage à Péret en un lieu qu’il eût vomi, ces messieurs, aux cris de « police, police » laissèrent malmener ceux que les vigiles avaient traînés derrière la scène. Dans le communiqué qui suivit, ils nous qualifièrent de « recalés de la maternelle ». Ce sont ces mêmes « recalés » qui ont enlevé le dépliant, jugé intellectuellement malhonnête, proposé à l’entrée de l’exposition « la Révolution surréaliste » en 2002, le remplaçant par un faux. C’est dans ces modes d’action de « non-violence active », d’actes non légaux mais légitimes, dans la plus parfaite imbécillité tranquille qui nous caractérise que nous plaçons une des formes possibles de la révolte.

Marie-Dominique Massoni

Extrait de sa conférence, à Prague, le 3 mai 2004.


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