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Le Pape, c’est pas mon genre !

Le jeudi 9 septembre 2004.

La religion catholique, à travers sa Congrégation pour la doctrine de la foi — comme d’autres talibans avaient leur ministère « pour la promotion des vertus et la suppression des vices » (vous savez, ceux qui tranchaient les têtes, coupaient les mains, lapidaient les femmes !) — vient à nouveau de partir en guerre contre le féminisme et l’homosexualité. Elle entend dénoncer les tendances égalitaires du féminisme et rejette le concept de genre, en tant que déconstruction des genres masculins et féminins, c’est-à-dire l’éducation sexuée, socialement construite des rôles attendus, des attitudes intégrées et des attributs supposés des individus des deux sexes.

Masculinité et féminité

Concrètement, une analyse de genre (ou sexe social) revient à mettre en lumière comment un garçon acquiert les normes masculines (force, activité, etc.) et comment une fille intègre les normes féminines (douceur, passivité, etc.).

Cet apprentissage se fait au sein de la famille, mais aussi à l’école, dans la rue afin de faire entrer chacun et chacune dans les normes sociales. Aux filles, les poupées, les dînettes, les nœuds, les maquillages. Au garçon, le sport, les pistolets, les ballons, les voitures. À l’école, les enfants ne sont pas sollicités de la même façon s’il s’agit de garçons ou de filles. On attend des comportements stéréotypés : les garçons bons en maths, en sport ; les filles en français, en dessin. Et puis la société divise rapidement les espaces sociaux, les catégories professionnelles en fonction du sexe.

Cette division se retrouve aussi dans le domaine privé. « Maman est à la cuisine et papa lit au salon », apprenait-on à lire. Elle est à ce point intégrée qu’il faut voir et entendre ses collègues femmes revendiquer leur fonction familiale : « ça m’embêterait de le voir cuisiner, ce n’est pas à lui de le faire ; et puis, il ne fait pas comme moi, et puis il ne sait pas bien repasser, et puis les enfants, c’est plutôt le rôle des femmes, d’ailleurs on les comprend mieux, etc. » Et leurs compagnons d’en rajouter et de se complaire dans cette situation.

Cette mauvaise conscience est ce qui vient tenter de justifier une injustice de fait avec de prétendus choix personnels, de prétendues aptitudes naturelles.

Forcément, les féministes et tous les individus épris de liberté, d’égalité et de justice ne peuvent que se lever contre ces attitudes inégalitaires, discriminatoires et aliénantes.

Pas le pape ! Lui, il « aime » les femmes et il veut leur rendre « leur place » : les enfants, la cuisine, l’église. Et, dans ce schémas, les couples homosexuels ne peuvent pas exister : « Qui fait la femme, qui fait l’homme ? »

Vivre l’amour libre !

Et voilà la deuxième charge de l’église catholique : la déconstruction des genres sociaux conduirait à une « sexualité perverse polymorphe ». Il est vrai que la société et les phantasmes sexuels sont créés au profit de l’homme blanc hétérosexuel. Une fois que ce modèle est identifié et combattu, la porte est ouverte à de nouvelles relations sociales, sexuelles, amicales. L’amour libre, c’est l’amour librement consenti. Cela s’oppose aux viols, aux abus sexuels, à l’imposition de normes contraignantes. L’amour libre se vit entre individus libres et égaux, et l’égalité se conquiert par la lutte et les changements sociaux et comportementaux. L’homosexualité est l’une de ses formes d’amour, et les droits des couples homosexuels doivent être les mêmes que ceux des couples hétéros (union, adoption, représentativité, visibilité, etc.).

La sexualité n’est pas non plus exempte d’une analyse de genre, c’est-à-dire de construction sociale des attitudes et attentes. Les femmes sont perçues comme devant être séductrices et accessibles mais pas trop sinon ce sont des salopes. Elles sont censées être douces, fleur bleue, romantiques, soumises au désir de l’homme. Lorsqu’elles sont « hard », comme dans les films pornos, les amours lesbiens sont des moments de « chauffe » en attendant l’homme ou alors les femmes usent des outils sexuels pour faire comme un homme.

À bas la calotte !

Après la charge islamiste et l’imposition du voile, voilà que l’église catholique pousse aussi la roue contre les femmes. Peut-être ne veut-elle pas laisser le terrain de la réaction aux seuls musulmans ? Bizarrement, l’église sort du bois l’année même choisie par les associations féministes pour dénoncer les violences faites aux femmes et organiser des marches mondiales.

En tout cas, nous nous opposerons toujours à toutes les religions et nous profiterons de cette année pour réaffirmer notre athéisme et consommer la séparation totale de l’église et de l’espace public (1905-2005, cent ans après, la lutte continue !). Nous participerons aux marches des femmes et dénoncerons les violences, discriminations dont elles sont victimes. Nous soutiendrons les manifestations gays et lesbiennes, nous combattrons les commandos antiavortement. Pour tout cela et plus encore, nous aurons à être uni.e.s et à agir avec les groupes libres-penseurs, féministes, gays et lesbiens afin de faire le lien entre nos luttes et mettre en avant un nouvel art de vivre ensemble, une sociabilité libertaire.

Fred

groupe Proudhon, FA Besançon