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éditorial du nº 1420

Le jeudi 15 décembre 2005.

Sauf surprise, nous allons donc finir l’année sous un régime d’exception, où libertés individuelles et collectives sont mises sous le boisseau. État d’urgence : ces deux mots disent assez ce qui justifie, sur le plan du droit, l’ensemble des mesures réunies sous cette appelation. Or, répétons-le, les « troubles graves » évoqués par le gouvernement avaient cessé avant même que l’état d’urgence ne soit promulgué. La manoeuvre est grossière, qui consiste à décréter, puis maintenir, l’exception au prétexte de l’approche des fêtes de fin d’année. L’objectif visé (et atteint) est bien entendu de s’assurer, pour pas cher, une bonne cote dans les sondages, le soutien d’une frange de la population, celle qui réclame sans cesse plus de sécurité. Celle qui, raciste mais honteuse hier, peut désormais se lâcher et ne s’en prive guère. Elle aurait bien tort, car le signal vient de haut : pas une semaine ne passe sans livrer son cortège de dérapages plus ou moins contrôlés, plus ou moins orchestrés par une droite « décomplexée », livrant ainsi son vrai visage.

Disons tout de suite que, pour notre part, nous ne lui en connaissions pas d’autre. La gauche, quant à elle, Parti socialiste en tête, fidèle à son option collaborationniste, vote les lois Sarkozy car sinon « les Français ne comprendraient pas ». La meute des présidentiables est-elle certaine que les Français comprendront la manière dont le PS, une fois de plus, cautionne le pire ? Une dérive totalitaire est à l’oeuvre dans ce pays, et si nous le répétons depuis plusieurs années cela n’a jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui. Menée par un homme crue guide une ambition qui n’a d’égale que son ego hypertrophié, elle joue sur le registre du coup de menton et de l’invective injurieuse. Pourtant, ce ministre si populaire (chant des sirènes sondagiques, relayé par les médias) a dû renoncer récemment à un voyage en Martinique : — Un « comité d’accueil » l’y attendait de pied ferme, comme il y a peu à Argenteuil, ou même sur les Champs-Élysées… Se cloîtrerat-il dans son bureau jusqu’à la prochaine présidentielle ? Il semblerait que nous soyons encore un certain nombre à voir le danger que représente l’ascension de ce personnage, à avoir compris dans quel piège il essaie de nous faire tomber. À refuser d’abdiquer sur le plan des libertés, en échange d’une sécurité parfaitement illusoire. Marché de dupes, qu’il nous faut dénoncer sans relâche. Auquel il nous faut opposer une vision de la société basée sur la solidarité, l’égalité, ainsi que l’émancipation des individus. Dans l’ordre des combats à mener, celui-ci nous semble prioritaire. Car toutes les formes d’oppression, patronale, patriarcale, religieuse, nationaliste… culminent et se rejoignent au sein du projet sarkozyste. Qui le nie doit s’attendre à des lendemains douloureux.