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Collectif des sans-logis de Cergy-Pontoise

Une Lutte difficile

Le jeudi 23 septembre 2004.

Répudiée par son mari, Aminata a été hébergée, avec ses sept enfants, chez sa sœur. Mais la situation était si difficile qu’elle a dû investir un squat. Mahmadou lui, est employé à l’entretien de la cité la Croix-Petit de Cergy. Il occupe actuellement une petite chambre d’un foyer Sonacotra, pour la « modique » somme de 560 euros par mois. Sans papiers, Jean et sa femme vivent aussi dans un squat, recherchant en vain un emploi pour nourrir leur trois enfants. Eux et d’autres encore, soit une vingtaine de familles, cherchent un logement décent qui leur permettraient de vivre convenablement. Certaines de ces familles dépensent entre 23 et 46 euros par jour pour être hébergées à l’hôtel. Promiscuité, insalubrité, peur de l’expulsion, tous souffrent de ces conditions. Se laver, faire la lessive, manger équilibré, se concentrer pour faire ses devoirs, tout cela relève de l’exploit. Toutes ces familles résident à Cergy depuis de nombreuses années et ont fait une demande de logement auprès de la mairie. En vain. Depuis l’été 2003, elles se sont regroupées en collectif, soutenues par des organisations politiques, des syndicats et des associations (1). À plusieurs reprises, elles ont demandé à rencontrer le maire PS, Dominique Lefebvre. Pas de réponse. Des manifestations ont été organisées devant la préfecture, le conseil général et la mairie a été occupée deux fois. À chaque fois, les pouvoirs publics se renvoient la balle. En février dernier, elles ont même investi symboliquement une des églises de Cergy. Le curé, en guise de solidarité, a fait appel à la police pour les déloger. Que demandent ces familles ? D’abord le respect du droit au logement. Cela passe par l’arrêt des expulsions (2), le vote d’un arrêté anti-expulsion — comme cela s’est fait à Bobigny en mars 2004 — et la réquisition des logements vacants (3). Mais Lefebvre n’entend rien à cela. Il faudra attendre plusieurs mois avant qu’il daigne recevoir les familles. Avant toute chose, il refuse de porter le chapeau, crie à la manipulation des familles et accuse le collectif de se tromper de cible — Cergy détient 41 % de logements sociaux. Ensuite, il refuse de réquisitionner des logements vacants, de faire voter un arrêté anti-expulsion. Ses seules réponses sont le mépris et l’arrogance.

Créée à la fin des années soixante, Cergy a été conçue dès le départ pour faire face à la crise du logement. Mais son patrimoine de logements sociaux s’effrite et le discours de la municipalité n’est plus le même. Quand Lefebvre parle « d’une politique de logements de qualité, diversifiés pour toutes les catégories de population », on comprend qu’il souhaite virer les pauvres de la ville. Pour cela des quartiers sont détruits, comme la Croix-Petit — 450 logements — remplacés par des appartements de standing aux loyers élevés. Cergy n’est pas un cas unique. Dans le Val d’Oise, 26 000 personnes sont en attente d’un logement. Or bon nombre de communes de plus de 5 000 habitants préfèrent s’acquitter d’une amende. La crise actuelle du logement n’est pas faite pour arranger la situation. La spéculation immobilière provoque une hausse des loyers. Pour virer les plus démunis, beaucoup de communes n’hésitent pas à vendre une partie de leur patrimoine, provoquant une véritable épuration sociale.

Que faire ? D’abord, répondre à l’urgence. Face aux expulsions et au coût exorbitant des chambres d’hôtel, nous, les militants anarchistes, avons aidé les familles à trouver des squats et à s’y installer, mettant ainsi en pratique le principe de propriété d’usage. D’abord réticents, les autres soutiens se sont rangés à cette solution, à l’exception du Parti des Travailleurs. Ensuite, élargir la lutte par des actions communes avec d’autres associations, le DAL de Conflans-Sainte-Honorine par exemple — même si nous n’approuvons pas toujours ses méthodes. Faire pression sur les pouvoirs publics pour relancer la construction de logements sur l’ensemble du département, surtout dans les communes qui ne respectent pas les 20 %. Cela passe par un durcissement du mouvement, comme le souhaitent certaines familles. Mais le collectif ne doit pas se substituer à celles-ci. Nous, anarchistes, continuons à soutenir le collectif tant que l’action s’y déroule dans le respect des différences et des opinions. À l’heure actuelle, aucune famille n’a été relogée. Certaines sont même découragées. Mais nous savons que ce combat est long et difficile.

Groupe Makhno de Cergy


1. Le collectif regroupe l’UL CNT Cergy 95, le groupe Makhno de la FA, SUD, la LCR, LO, la LDH et le PT.

2. L’expulsion avec le concours de la force publique doit être autorisée par le préfet du département. Chaque année, près de 100 000 jugements d’expulsion sont prononcés en France.

3. La réquisition de logements vacants passe soit par l’application de l’ordonnance de 1945 — le préfet intervient après avis du maire — soit par la mise en pratique des pouvoirs de police du maire. Pour plus de renseignements, voire le site du DAL.