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Salmigondis syndical

Le jeudi 30 septembre 2004.

« La classe ouvrière et ses organisations syndicales sont dominées par les fractions politiques social-démocrates qui ont introduit dans le mouvement ouvrier l’idéologie et la pratique réformiste : électoralisme, action parlementaire, passage pacifique au « socialisme », voire même collaboration de classe. Le prolétariat organisé se trouve ainsi soumis à des intérêts étrangers aux siens. Face à cela, l’extrême gauche léniniste s’efforce d’être une alternative crédible. Hypnotisés par les schémas de la révolution russe, ils appliquent à la société industrielle développée la même démarche que les bolcheviques appliquaient à la Russie sous-développée, dominée par l’impérialisme et où le prolétariat, embryonnaire, était sans tradition d’organisation permanente. »

Ces quelques lignes tirées de l’introduction à une brochure de l’Alliance syndicaliste sur l’anarchosyndicalisme (1976) quand les échos de Mai 68 sonnaient encore à nos oreilles, perdurent tristement dans leur constatation de l’état des lieux dans le mouvement ouvrier.

À la une des médias, on ne parle que de l’Europe, et le monde politique se divise entre partisans du oui ou du non à une Constitution européenne dont l’homme de la rue saisit mal les contours. On est de toute façon loin d’un idéalisme européen, sans parler de l’internationalisme prolétarien. Certes, on sait que les intérêts du marché sont omniprésents, mais ce que l’on maîtrise encore trop confusément, c’est le contour exact de la nouvelle division internationale du travail.

Avec l’enjeu politique d’être crédible politiquement pour les maroquins à venir (sans oublier la prochaine présidentielle), tout le monde se place. Fabius se propose pour incarner la gauche de toujours, Hollande-Jospin se prononcent pour gérer le capitalisme européen, et la Ligue communiste veut divorcer d’avec Lutte ouvrière…

Nous ne parlons, bien sûr, que des organisations politiques qui, au moins sur le papier, sont pour une transformation sociale ! Alors, donneurs de leçons ou tirons-nous bêtement sur l’ambulance ?

Du programme commun (PC-PS) à l’autonomie engagée (CFDT), ceux et celles qui avaient respiré les gaz lacrymogènes sur les barricades des « événements de la fin des années 60 » ont avalé beaucoup de couleuvres. Certains ont évolué vers les sphères dirigeantes de la société. D’autres sont restés fidèles à ce qu’ils croyaient. Pour nous, anarchosyndicalistes, l’autonomie de la classe ouvrière organisée sur la base de ses propres intérêts, est toujours à l’ordre du jour.

Mais le temps est loin où la CFDT louait l’autogestion, « vieille idée anarchiste », où la CGT tenait fermement les troupes de la classe ouvrière et la CGT Force Ouvrière cherchait par tous les moyens du grain à moudre. Insidieusement, la Confédération européenne des syndicats (CES) a ancré dans les esprits des directions syndicales qu’il fallait se faire à l’idée d’une Europe moderne. Par « moderne », on entend bien sûr, plus de mineurs, plus de dockers, plus d’ouvriers du livre, ni de tous ces gens qui ont des statuts qui entravent la bonne santé du marché ! Cette population-là fait partie du vieux monde qu’il faut oublier. Quand modernisme et perte d’identité de la classe ouvrière se conjuguent, l’avenir est obscur. À l’heure où le baron Seillière présente six propositions sur les 35 heures, il y a autre chose à faire qu’à cultiver une image réformiste comme le fait la direction de la CGT Force ouvrière. Mais l’ensemble du monde syndical dans la question européenne cède le pas au monde politique. Devant la nouvelle Europe qu’ils nous concoctent, de simples noyaux de résistance ne suffiront pas ! Alors, à quand l’unité dans les luttes ?

Jean-Pierre Germain