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Solidarité internationale

Chirac et Lula en première ligne…

Le jeudi 30 septembre 2004.

Le peuple a soif d’humour. C’est appuyés sur cette vérité solidement éprouvée que les démagogues Lula et Chirac ont défendu un projet qui devrait faire un heureux : mon ami Nikonoff. Les deux duettistes, selon la formule choisie de Babette Stern (le Monde), « partagent la même révolte contre la pauvreté et la faim ». Ils viennent d’inventer la taxe Tobin.

Les mauvaises langues, dont je suis, feront remarquer que la France n’observe déjà pas, et de loin, les dispositions prévues par les divers accords internationaux d’aide au développement (pour l’aide alimentaire : 80 000 tonnes équivalent céréales livrées en 2003 contre 200 000 TEC annuelles prévues par la convention de Londres du 30 juin 1999). Bien sûr, tous les autres États en font autant : on ne signe que pour la galerie.

D’autres esprits chagrins mettront en doute l’utilité pour les populations d’une aide qui consiste à former et équiper la police et l’armée. Les mêmes souligneront que le modèle de développement imposé n’aboutit pas à la libération des classes laborieuses des pays victimes de notre sollicitude, mais au contraire à leur sujétion croissante. La fuite en avant productiviste et libre-échangiste se fait au détriment de la qualité de vie des êtres humains.

Peu de temps après cette brillante prestation des deux chefs d’État, Haïti a été ravagée par un ouragan. Cas concret, solidarité, aide humanitaire. Ah, si on avait les zéro virgule pouic pour cent de la taxe, que ne ferait-on pas !

Un coup de vent identique causerait quelques blessures à Miami. Il rase des villes et tue près de 2 000 personnes en Haïti. Il y a des raisons, au premier rang desquelles l’acharnement des puissances d’argent à créer puis canaliser le développement local. Éradication de la population première, importation massive d’esclaves jusqu’au xixe siècle, monoculture intensive au service de la métropole. En corollaire, dépendance vis-à-vis de l’Occident, effroyable misère quand les marchés agricoles s’effondrent. Sur le plan politique, dictatures sanglantes et interventions militaires directes — la dernière est en cours. Sur le plan écologique, déforestation monstrueuse ; par suite, la moindre tempête se transforme en catastrophe, avec coulées de boue, envol des taudis et tout le toutim. Pour une population qui vit déjà bien en dessous du nécessaire…

Bref, si les possédants et leurs États ne s’en étaient pas mêlés, pour commencer, ou si le peuple, par une vraie révolution sociale, avait pu, justement, mettre en place les conditions d’un développement basé sur les besoins des êtres humains et le respect de la terre, la question de l’aide ne se poserait probablement pas aujourd’hui… La « solution » de Chirac et Lula est un leurre. Ce n’est pas en multipliant les interventions étatistes que le monde sortira du marasme. La nécessité humaine et écologique appelle la prise en main de la consommation et de la production par les classes ouvrières. S’il est trop tard pour réécrire le passé, pour l’avenir et le chambardement, il n’est que temps.

Moïse Cailloux