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La Prochaine élection américaine…

Le jeudi 30 septembre 2004.

La présidentielle américaine de novembre 2004 tient le monde en haleine. Notre arrogant président non élu Bush fait si peur qu’on me demande à tout propos s’il peut réellement être « ré-élu ». On s’étonne que le pétrolier texan se maintienne dans les sondages malgré l’exposé de ses mensonges et de ses bévues, alors que son adversaire, John Kerry, manque d’initiative et passe pour un mou. Qu’est-ce qui se passe ?

Rappelons que John Kerry a réellement fait preuve de courage pendant la guerre américaine contre le Vietnam. Je ne parle pas de son héroïsme sous le feu, quand ce jeune officier volontaire se couvrait de médailles alors que Bush désertait et que Cheney mentait et trichait pour éviter le service militaire. Je parle de son courage moral au retour du Vietnam quand il a renvoyé ses médailles, témoigné contre la guerre devant le Congrès à Washington, et s’est engagé avec l’association radicale des anciens combattants contre la guerre.

Kerry déçoit sa base

Comment comprendre aujourd’hui que l’ex-héros antiguerre ne dénonce pas la guerre d’Irak dans les même termes ? Déjà, la majorité des Américains questionne cette guerre depuis le scandale des tortures, la perte de Faluja et la mort de près de 1 000 boys et girls. Plus de 500 000 Américains viennent de manifester à New York pour la dénoncer. Rappelons que, il y a déjà six mois, la précampagne du candidat antiguerre Dean avait galvanisé le Parti démocrate, alors moribond, en mobilisant la base des jeunes, des femmes et des syndicats progressistes. On croyait arriver. Mais voilà que la direction centriste du Parti démocrate a manœuvré pour imposer comme candidats les milliardaires John Kerry et John Edwards, et cet enthousiasme est retombé.

Est-ce que Kerry va continuer à soutenir la politique agressive de Bush en Irak, car le candidat démocrate a revendiqué publiquement son soutien au vote sénatorial en faveur de la guerre de Bush — tout en sachant alors que les ADM financés de Saddam et sa liaison avec Al Qaïda étaient des mythes ! Pire, au moment où Bush, avec une rare candeur, a admis dans une interview qu’une « victoire » dans la guerre contre la terreur était effectivement « impossible », Kerry a renchéri en accusant Bush de faiblesse. Non seulement Kerry maintiendrait les troupes états-uniennes en Irak, mais il les renforcerait.

Qui est le plus macho ?

Ainsi, cette élection « palpitante » va se décider par un concours hollywoodien : « Qui sera le plus macho ? » Dans ce concours à la con, les méthodes médiatiques mensongères de Bush — le déserteur du Vietnam qui joue très bien le personnage du shérif en colère — passent mieux la rampe que le courage documenté du héros de guerre Kerry — d’ailleurs mis en question par des publicités républicaines calomnieuses très médiatisées. De plus, Bush a dans son camp Arnold Schwartznegger, gouverneur musclé de Californie et admirateur de Hitler. Ce véritable héros hollywoodien est beaucoup plus vraisemblable dans le rôle du dur que ce grand maigre de Kerry, que le Terminator a traité de « girlie-man » (femmelette) dans son allocution télévisée du Congrès républicain de New York. Kerry a beau se faire photographier en faisant de la moto, puis de l’alpinisme et du wind-surf ; le pauvre semble ne pas comprendre que ces sports le marquent comme un aristocrate de Boston (vaguement « français »), ce qui le perd aux yeux des beaufs américains.

Or, ce sont les beaufs qui vont finalement décider de cette élection selon la stratégie « centriste » commune aux deux partis. Alors que les démocrates, beaucoup plus nombreux dans le pays, pourraient en principe gagner toute élection en mobilisant leur énorme base de syndiqués, de femmes, de jeunes, d’immigrés, de Noirs et d’Américains-d’en-bas sur un programme populiste et antiguerre, ils préfèrent disputer aux républicains les suffrages d’un petit nombre de mâles blancs, de la classe moyenne, indécis, dans les États qui hésitent : les beaufs. Pourquoi cette stratégie défaitiste ? Parce que la direction du Parti démocrate est contrôlée par les « corporations » milliardaires qui ramassent les fonds (qui financent aussi les républicains) et qu’elle a peur de mobiliser cette base démocrate populaire en lui proposant une véritable alternative. En effet : « Les États-Unis n’ont qu’un seul parti politique, celui de la propriété, avec deux ailes droites. » (Gore Vidal). De toute façon, ce n’est pas la peine de vous tenir suspendus dans l’attente des résultats de ce concours de machos. Comme nous le montrerons bientôt, Bush a déjà tout organisé pour tricher et l’emporter, comme en 2000, le cas échéant.

Richard Greeman, internationaliste new-yorkais