Trente ans après 68, les politicard-e-s nous parlent de parité et les femmes des classes dirigeantes rivalisent avec leurs homologues masculins dans l’exercice du pouvoir. Les espaces publicitaires dégoulinent d’images de corps de femmes dévêtues, soumises au désir des hommes. Et des intellos osent nous parler d’évolutions des rapports féminins-masculins. L’homme, lui, lorsqu’il est montré nu, est guerrier et puissant.
Icônes de l’hétéronormativité
Les icônes de la masculinité et de la féminité sont bien toujours les mêmes : des hommes de raison et de pouvoir et des femmes assurant toujours la majeure partie des tâches domestiques. De la noblesse à la bourgeoisie actuelle, les classes dirigeantes ont su élaborer, pour les classes pauvres, un ordre moral et une hétéronormativité à laquelle, bien entendu, elles ne sont pas tenues de se conformer. Cette hétéromornativité puise ses fondements dans le patriarcat et la phallocratie et continue à s’appuyer sur la famille, décrite de Chirac à Jospin, comme cellule de base de la société. L’homosexualité, autrefois réprimée, est de nos jours cadrée dans une homonormalité.
En effet, l’image médiatisée de l’homosexualité est celle d’une homosexualité masculine bon chic bon genre, parfaitement intégrée aux normes capitalistes et répondant socialement aux rôles revenant traditionnellement à l’homme.
L’imaginaire collectif contre l’enfermement communautaire
Le propre de nos démocraties occidentales, quand elles ne peuvent plus réprimer les désirs de libération des individus consiste à les pervertir, les vider de leur esprit subversif et à les intégrer dans le capitalisme. Bien que l’homosexualité, pas plus que n’importe quelle pratiques sexuelles, ne sont en soi révolutionnaires, nous sommes parties prenantes de toutes les luttes qui situent l’homme en terme de complémentarité plutôt qu’en concurrence avec d’autres hommes ou femmes. Nous ne pouvons aussi que soutenir les femmes qui vivent une sexualité avec d’autres femmes ou hommes, en dehors de la domination des hommes. L’important, c’est que l’un et l’autre puisse vivre une sexualité hors des champs de production et de reproduction.
De même, nous ne saurions nous satisfaire d’une simple visibilité que le mouvement homosexuel a gagné depuis les années 1970. Aujourd’hui l’homosexuel que l’on montre est un homme inscrit dans la sphère publique de la production. Il est cadre dynamique, commerçant ou chef d’entreprise, jamais prolo. Hier, l’homosexuel était assimilé à la femme, actuellement, il est looké, conquérant et body-buildé. Intégré aux valeurs du travail, il l’est aussi aux valeurs de la patrie. Il parade en bombers et est habillé en para-militaire. Il voue tout un culte à l’uniforme. S’il se parfume, ce n’est pas parce qu’il se veut sensuel, il utilise d’ailleurs le parfum H pour Homme ou Scorpion (celui qui tue avec sa queue). Travail et patrie habite l’esprit de la communauté gay. L’enfermement ne s’arrête pas là. Les valeurs de la famille ont été elles aussi reprises par la communauté qui, avec le Pacs, se réinscrit dans la capitalisation des désirs (conjugalité, fidélité, et Pacte d’intérêt commun).
Élargissons et fédérons les luttes !
L’homosexualité féminine encore peu représentée médiatiquement, commence en même temps qu’elle gagne en visibilité à être, elle aussi, intégrée dans la société libérale. Les entreprises y ont détecté un nouveau marché d’avenir. Pour nous, homosexuel-le-s ou non, et anarchistes, il s’agit de ne pas se laisser enfermer dans des regroupement de type communautaire. Il s’agit de pouvoir intervenir avec toutes les associations qui réagissent face à l’homophobie encore présente en s’associant aux campagnes d’information qu’elles entendent mener dans les milieux scolaires, en participant avec elles aux journées de la commémoration des déportés dans lesquelles les officiels ne nous invitent pas. Il s’agit de s’associer aux actions menées par toutes les personnes qui entendent vivre leur spécificité sexuelle en dehors de tout cadrage étatique et moralisateur. Homosexuel-le, bisexuel-le, transexuel-le, travesti-e, nous devons lutter avec les hétérosexuel-le-s pour faire tomber les étiquetages normatifs car il y a autant de façons de vivre sa sexualité qu’il y a d’individus. Nous devons collectivement imaginer un avenir où chacun et chacune pourra développer ses sensualités, vivre des relations affectives avec l’autre en dehors des situations de domination et d’exploitation qui ne servent que les intérêts des classes dominantes.
Notre avenir dépendra de nos investissements dans les luttes contre toutes formes de nationalisme, de régionalisme, de communautarisme, en particulier en soutenant les sans-papiers. Il dépendra des solidarités que nous saurons construire avec les hommes et les femmes persécutés dans le monde du fait de leur sexualité.
Notre avenir dépendra de nos investissement dans les luttes contre le capitalisme en soutenant les luttes des chômeurs, des précaires, des salariés et des retraités, en bâtissant une société sans classe et sans argent où la production et la distribution seront au service de tous et de toutes et non à la minorité toujours plus riche et arrogante.
Prenons nos affaires en main !
Notre avenir dépendra de notre capacité à détrôner cette cellule de base de la société capitaliste qu’est la famille, afin que chacun-e puisse vivre, avec ou sans désir, en dehors de toute contrainte législative ou moraliste. Réapproprions notre corps, nos sensualités, notre sensibilité et notre sexualité ! Pour en finir avec l’exploitation capitaliste et la domination des États, pour que vive l’amour libre : prenons nos affaires en main !
Alain. — groupe Kronstadt (Lyon)