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Les Faucheurs volontaires

Le jeudi 7 octobre 2004.

Article 35 de la Déclaration des droits de l’homme : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »



Ce qui s’est passé le 5 septembre 2004 dans le Gers lors de l’opération d’arrachage d’un champ d’OGM par des « faucheurs volontaires », marque un tournant dans l’histoire de cette lutte. C’est le jour où le pouvoir nous a dit : « En matière d’OGM, la rigolade est terminée. Nous avons décidé de passer en force. Les expérimentations en plein champs continueront, se développeront, et nous nous donnerons les moyens de les assurer. »

Ce 5 septembre est un échec pour le mouvement, mais il est surtout une leçon dont il va falloir tirer toutes les conséquences… Il n’est pas déshonorant de battre en retraite devant un adversaire supérieur en force.

Le mouvement de contestation des OGM est désormais devant un mur, ou plutôt devant une alternative à trois solutions.

— Soit il continue ses actions sous la même forme, arrachage au grand jour, annonce publique, action, etc., et il va se heurter systématiquement à la violence d’État.

— Soit il s’adapte à cette nouvelle donne et se radicalise en trouvant les moyens de faire face.

— Soit il adopte l’action clandestine.

La première solution est à terme intenable. Le pouvoir a compris le 5 septembre qu’il pouvait faire reculer le mouvement par la violence… Il n’a plus qu’à attendre son pourrissement. En effet, la répétition de ce genre d’action va peu à peu lasser les participants. L’échec répété est particulièrement démoralisant.

La deuxième solution n’est pas concevable dans le contexte actuel. Outre le fait que le mouvement des « faucheurs volontaires » est « non violent », le mouvement social, n’a pas aujourd’hui la capacité politique et matérielle de s’affronter à « armes égales » avec les mercenaires du pouvoirs.

Reste la troisième solution… qui d’ailleurs, dans plusieurs cas, en Haute-Garonne, était conjoncturellement utilisée avec un total succès.

La généraliser pose un problème politique. En effet, l’action clandestine est d’une culture politique différente de celle que l’on connaît depuis quarante ans. La conception « fleur bleue » de la politique (« j’élis mon député et j’attends les prochaines élections ») diffusée par tous les partis politique nous a rendus étrangers à cette conception de l’action qui n’a de sens que chez nos anciens de la Résistance (dans un autre contexte, il est vrai) et celles et ceux qui ont fait du travail politique en solidarité avec les antifranquistes.

Les avantages de cette solution : continuer le combat sous une autre forme que l’on maîtrise. Le pouvoir ne peut pas utiliser, du moins pleinement, son appareil répressif. D’autre part, et c’est l’essentiel, les plants d’OGM sont détruits… Ce qui est l’objectif principal.

Les inconvénients : la populariser est plus compliquée que celle adoptée jusqu’à présent, ce qui se comprend aisément. Il faut repenser la popularisation, les rapports avec les médias. Il faut développer des réseaux de solidarité nouveaux, plus solides et plus fiables. Ne pas sombrer dans le culte du secret tout en préservant la discrétion. Éviter les dérives de marginalisation qui sont nombreuses. Il faut développer une logistique d’explication des actions particulièrement efficace pour éviter la marginalisation de celles-ci et toute dérive minoritaire. Bref, il faut repenser des actions de l’action politique que nous ne connaissons pas ou mal.

Le terme « clandestinité » a perdu ses lettres de noblesse et a été instrumentalisé par des causes plus que douteuses, des actions violentes, minoritaires et sectaires. Il n’a pas bonne presse dans un contexte de « démocratie libérale » qui est censée garantir le bonheur universel… Pourtant, c’est aux soubresauts autoritaires d’un système à bout de souffle auxquels nous assistons aujourd’hui… Ses marges de manœuvres sont quasiment inexistantes pour faire accepter, à l’immense majorité, les conditions de son fonctionnement : course au profit dans un contexte mondialisé qui remet en question les acquis sociaux et de manière générale les principes de précaution.

Aujourd’hui, la soumission est la seule alternative qui nous est offerte par ce système, et ce, ce qui est un comble et d’un cynisme achevé… au nom de la démocratie (?).

Saurons-nous nous adapter à ces nouvelles conditions ?

Patrick Mignard

lundi 6 septembre 2004