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Saint-Ouen

Chasse aux mal-logés

Le jeudi 14 octobre 2004.

Après l’évacuation d’un immeuble au 4, rue Jules-Verne le 8 juin dernier, plusieurs familles sont toujours à la rue. D’autres familles, occupant un autre bâtiment à la même adresse, vivent sous la menace d’une expulsion.



Les mal-logés de Saint-Ouen mènent depuis 4 mois une lutte exemplaire. La mairie communiste, après avoir demandé l’évacuation suite à un effondrement de plafond, ne leur aura pourtant rien épargné : ordre aux assistantes sociales du secteur de ne plus recevoir les familles, demande à La Poste de bloquer le courrier, interdiction d’assister à la réunion publique consacrée aux projets d’urbanisme à Saint-Ouen (PLU), appel aux forces de police… Les familles évacuées du 4, rue Jules- Verne ne sont pas les bienvenues en ville ! L’hypocrisie de rigueur en ces circonstances poussa néanmoins Mme le maire à accepter par deux fois une interruption du Conseil Municipal pour aborder le problème, mais sans jamais prendre d’engagement concret. En public, la municipalité se dit prête à se mobiliser contre les problèmes liés au logement. Sur le terrain, elle organise la chasse aux mal- logés.

Pendant les mois d’été, les familles soutenues par le DAL avaient obtenu, suite à plusieurs visites en nombre, des hébergements provisoires à l’hôtel ou en foyer par le biais de la DDASS ou du Conseil Général. Cette situation précaire permettait pourtant la poursuite d’actions régulières en vue d’une table ronde locale, réunissant pouvoirs publics, bailleurs sociaux, familles et soutiens pour résoudre définitivement le problème. Des manifestations communes furent organisées avec des familles elles aussi expulsées de Saint-Denis et La Courneuve. Mais à partir du 1er septembre, les hébergements furent stoppés et les familles furent contraintes de camper dehors.

Le campement commença face à la mairie de Saint-Ouen, avec 5 familles évacuées, plusieurs habitants du 4, rue Jules-Verne et des soutiens à l’origine peu nombreux mais qui se renforcèrent au fur et à mesure. Le harcèlement policier se durcit rapidement, obligeant les mal-logés à se déplacer parfois plusieurs fois dans la nuit, réveillant les enfants et s’installant quelques dizaines de mètres plus loin. Les menaces se faisant de plus en plus pressantes, il fut décidé de s’installer devant l’église dans l’espoir d’éviter une intervention musclée.

Le problème de ces familles devint alors de plus en plus visible sur la ville, et la population commença à manifester sa solidarité avec plus de force. Le curé lui-même, et l’imam invité en raison de la confession musulmane de la plupart des familles, lancèrent un appel public, et l’église ouvrit pour 5 jours une salle, tout en indiquant qu’elle ne pourrait aller plus loin.

Le campement resta alors plus de 15 jours au même endroit, ce qui permit à la fois de mieux l’organiser, d’installer une bâche contre les intempéries, et de devenir un point central, autour duquel population et soutiens pouvaient se retrouver, discuter et préparer la lutte. Des actions se mettaient en place, en direction de la mairie et de la préfecture, réunissant de 70 à 150 personnes en rassemblements et manifestations. Les pouvoirs publics restaient sourds, mais des fissures commençaient à apparaître et le relais même limité dans les « grands médias » régionaux gênait les uns et les autres. Trois revendications furent mises en avant :

 hébergement immédiat par la mairie, dans une salle,

 table ronde locale, avec mairie et préfecture du département pour résoudre le problème des évacués,

 table ronde régionale, pour traiter des familles menacées d’expulsion et du problème du logement en général.

C’est dans ce contexte que la mairie a réagit encore plus violemment : lundi 4 octobre au matin, à 6 h 30, une trentaine de policiers, en présence d’agents communaux, réveillent les sans-logis et les soutiens qui dormaient au pied de l’église. Les menottes sont passées à certains adultes. Les familles, avec les enfants, et les soutiens sont tous menés au commissariat. Ils sont libérés après plus de 3 heures. Les enfants manquent l’école, les adultes manquent le travail. Pendant cette détention, les employés municipaux ont été chargés de détruire les affaires du campement : matelas, couvertures, bâches, vêtements… ont été envoyés à la TIRU pour être brûlé. Seules certaines affaires personnelles ont pu être récupérées au garage municipal. Pendant la semaine, la mairie ferme à nouveau toute possibilité d’accès à ses services pour les familles, vigiles à l’appui.

Cela n’a pas suffit à décourager la lutte. La mairie est de plus en plus isolée : les élus socialistes, verts, quelques militants PC… se désolidarisent des élus communistes et ne veulent pas assumer l’attitude de la municipalité. Le curé fait un nouveau geste pour l’hébergement, et reprend des négociations jeudi 7 octobre. Face à son impopularité croissante et à l’échec de la répression, la mairie commence à céder : elle propose la remise en état d’un foyer pour les sans-logis. Pour sauver la face, les élus n’ont pas rencontré le DAL, ni les familles. Après ce premier pas, tout le monde reste mobilisé. Et pour cause, le surlendemain la mairie explique déjà qu’elle ne parvient pas à trouver un lieu…

Une grande manifestation sur la question du logementà Saint-Ouen aura lieu : rendez vous le 23 octobre.

Kalim

Contact : 06 60 69 88 83 ou 06 22 79 30 57