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La Troisième voie

Le jeudi 28 octobre 2004.

« Il faut que la rue devienne un enfer pour les prostituées et les SDF. » Douste-Blazy (juillet 2004).

« Certains regards me font l’effet d’un abîme, je résiste malaisément à la sensation de vertige en sondant, presque à mon corps défendant la détresse qu’exprime les yeux de l’enfant maltraité ou désemparé, de l’homme réduit à mendier sous le joug de l’infamie sociale, du chien abandonné errant en quête de nourriture et d’affection. Pour éphémère qu’en soit l’effet, il m’envelopperait dans un tourbillon d’angoisses, il m’entraînerait dans un gouffre de déréliction si je ne me ressaisissais pas par un recul de tout mon être, aspirant à une insensibilité qui écœure plus qu’elle ne soulage. » Raoul Vaneigem.



Il faudra bien que les gens qui croient encore à la supériorité de valeurs humaines sur l’économisme et l’hygiénisme cessent d’être gentils, c’est-à-dire de tolérer qu’on puisse encore proférer des infamies en leur nom. Tandis que certains des artistes et des intellectuels qu’ils suivent les exhortent à regarder par devers eux la bête tapie qu’ils contemplent avec effroi, les tenants du libéralisme à tout crin, embarrassés de moins de scrupules font montre de bien moins de volonté introspectives et rognent chaque jour davantage sur le terrain de l’humain.

Si l’on met face à face la citation de Vaneigem et la déclaration de Douste-Blazy, il ne fait aucun doute que les préoccupations humaines de l’un ne font plus guère le poids avec le pouvoir d’influer directement sur la vie politique du technocrate par des mesures toujours plus inhumaines.

Quel poids ont encore la réflexion, les scrupules et les tourments, le constat triste et sensible d’un homme face aux déclarations d’intention bientôt suivies des mesures les plus répressives censées les accomplir. État d’esprit contre mesures. Esprit contre acte. Le sensible a bien quelques chances de gagner du terrain sur le long terme, de convaincre d’autres esprits ou tout au moins de les (ré)conforter, cependant que s’installe la politique du pire qui ancrera aussi toutes ses habitudes, son indifférence et son inhumanité. En attendant que se fasse jour un nombre grandissant d’esprits lucides, animés d’intentions louables, si toutefois ces jours adviennent, des hommes et des femmes vont souffrir chaque jour davantage, certains mourront. L’urgence commande que le pire ne puisse pas se produire. Sous peine de n’avoir plus jamais ni les ressources, ni la volonté d’en finir avec la monstruosité des technocrates de la dictature de l’épuration.

Ogur