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« Aide ton mari, tape-toi dessus ! »

Le jeudi 4 novembre 2004.

Ce slogan, façon détournée de reprendre le slogan soixante-huitard, pourrait bien malheureusement définir la situation des femmes.

En effet, après l’éclairage médiatique sur les violences conjugales suite au meurtre de Marie Trintignant par son compagnon Bertrand Cantat, les femmes battues sont retournées dans l’ombre de leur foyer.

Ce silence a été brisé par l’enquête (d’initiative privée d’après les dépêches de l’AFP) de cet été qui a établi la macabre comptabilité des femmes tuées par leur mari, leur conjoint, leur compagnon, ou leur ex-mari. Initiative privée car aucun chiffre, aucune enquête officielle n’est menée sur le sujet. Pourquoi ?

À cela, sans doute au moins deux raisons :
— Une société patriarcale.
— Des meurtres qui se passent dans la cellule familiale.

Et la famille ne portera jamais si bien son nom de « cellule » familiale où l’on est enfermé.e, où les pires actes sont commis (la majorité des viols et incestes concernent un membre de la famille). La femme en est prisonnière et ne doit pas pouvoir s’en sortir. D’après l’enquête citée plus haut et publiée dans Libération, la plupart des femmes sont tuées lorsqu’elles tentent de quitter leur conjoint ou quand celui-ci a été écarté. Violent rappel de propriété et déni de la liberté. La femme ne peut pas choisir sa vie.

Le chef de famille (masculin) a donc le pouvoir de vie et de mort. Cette situation est le corollaire d’une organisation sociale construite par les hommes et pour les hommes et c’est bien cela le patriarcat. L’homme établit une domination symbolique et fantasmatique sur la femme, mais aussi une domination réelle, physique qui se traduit par les violences diverses que les femmes subissent.

La violence symbolique est entièrement véhiculée par une société qui met la femme au service de l’homme.

La violence physique est l’expression de la violence masculine qui reste un tabou (en tout cas une situation de fait) dans notre société. Car l’organisation sociale — avec ses chefs, ses ordres, sa hiérarchie, sa violence institutionnelle, sa compétitivité, sa force brutale — répond à des critères dont la femme est largement exclue.

C’est notamment pour cela que les groupes féministes ont toujours dérangé en se situant dans une autre dynamique que la prise de pouvoir. La critique féministe s’attaque au pouvoir en tant que tel. C’est pour cela que nous sommes attentifs à leur message et que nous pouvons nous associer à leurs travaux.

En cette année choisie par la Marche mondiale des femmes pour lutter contre les violences faites aux femmes, nous pouvons saluer l’initiative espagnole qui, dans un pays qui battait de macabres records de maltraitance, vient de passer une loi sur la « violence de genre ». Au moins ces crimes seront-ils comptabilisés comme tel et une campagne d’information sera menée.

Rappelons simplement pour la France, la difficulté qu’il y eut pour faire passer pour crime le viol conjugal, c’est-à-dire le fait d’imposer des relations sexuelles à sa compagne. Et l’on en revient au début de l’article, la femme appartenait à son mari et ne pouvait pas refuser de se soumettre à son désir.

Comme quoi, il y a encore du boulot à faire pour améliorer la situation des femmes, et par là même la situation de l’humanité, car on n’enferme pas impunément la moitié de l’humanité dans des rôles de soumission à la violence sans en payer le prix.

Notre idéal égalitaire et libertaire passe par l’émancipation des femmes.

Fred, groupe Proudhon FA, Besançon