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La Rue et le baron

Le jeudi 29 mai 2003.

D’après le baron Seillière : « La France ne se gouverne pas dans la rue, mais elle s’appauvrit dans la rue. [1] »

C’est la réponse que donnait le baron du capital aux grévistes du 13 mai. C’est une aimable vision de la démocratie. En effet, quel homme sérieux laisserait la France se faire gouverner par des manants, gueux et autres prolos ? Ils ont déjà voté pour leurs bourreaux, qu’ils ne demandent pas en plus de prendre la parole.

Alors, monsieur le baron, n’oubliez pas qu’à ne pas vouloir écouter le populo, celui-ci bien souvent s’est fait entendre en présentant aux lanternes parisiennes du bourgeois et de l’aristo.

Pour ce qui est de ceux qui sont censés nous gouverner, ils semblaient, ce jeudi 15 mai, au Sénat, plus ouverts que leur mentor.

Le chef de bande, Raffarin, était même fier d’annoncer qu’ils nous avait entendus : il a entendu notre inquiétude. Mais qui parlait d’inquiétude ? Là où il n’y avait que vigoureuse protestation, il ne voyait que de l’inquiétude.

Alors, monsieur Raffarin, une façon simple de nous rassurer, c’est de prendre la porte. Voilà plus de deux mois que vous êtes chef du gouvernement, vous avez dès lors acquis le droit à votre retraite de ministre, vos voitures de fonction, vos gardes du corps et tous vos autres avantages en nature.

Profitez-en, vos acquis pourraient sauter dans un futur proche de la même façon que vous travaillez à faire sauter les nôtres.

Pour ce qui est de Fillon, aux Affaires sociales, il nous explique que de temps à autre, il turbine pour mériter sa solde. Il a passé la nuit du 13 au 14 mai dix heures à discuter avec les différents « partenaires sociaux ». Il nous apprend d’ailleurs que les relations étaient cordiales, presque amicales.

Mais où sont passés les syndicats ?

Enfin, pas la peine d’imaginer que les surplus que nous produisons pour nos patrons pourraient servir à payer nos retraites : les profits des entreprises, c’est une donnée trop aléatoire. C’est vrai que les fonds de pension, c’est plus sûr !

Mais qu’on ne s’y trompe pas, la solidarité de nos gouvernants vis-à-vis de leurs gouvernés est immense. Tous les sénateurs UMPistes s’accordent à féliciter leurs chefs et à témoigner leur compassion envers tous les salariés pris en otage par les grèves.

Eh oui, la lutte des classes est toujours d’actualité. Mais ce n’est plus la classe ouvrière face au patronat, c’est la classe des grévistes contre celle des patrons, des gouvernants et des non-grévistes.

Monsieur Fillon, vous êtes en position de force, alors continuez, mais n’oubliez pas que ceux que vous appelez « partenaires sociaux » sont à chaque point que vous gagnez un peu moins représentatifs et que, bientôt, le peuple reprendra la parole comme il sait le faire le mieux : dans la rue !

Finalement, les plus pédagogues d’entre nous restent encore les profs de l’éducation nationale ayant accueilli en Aveyron leur ministre par le (re)jet du dernier best-seller de Ferry. Cet accueil des plus chaleureux n’est qu’un avant-goût des pavés que nous réservons au gouvernement

Karim, groupe Idées noires


[1Source AFP.