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Chronique de grève au fin fond des zones rurales

Le jeudi 29 mai 2003.

Ça bouge dans l’Éducation ex-nationale et comme on dit chez nous : « ¡ No Raffarán el pont d’Olerón ! »



Cela faisait un certain temps que les internats fonctionnaient plus ou moins bien, que les personnels concernés par la décentralisation (psychologues, médecins, Tos, etc.) se mobilisaient, que les emplois jeunes déprimaient ou découvraient la grève… que les enseignants faisaient depuis septembre quelques jours de grève l’âme en déroute, mais dans nos écoles, collèges et lycées éloignés des villes on n’imaginait pas vivre une telle effervescence ! Des AG inter-professionnelles dans les établissements et secteurs scolaires, des réunions publiques où l’on parle d’OMC, de marchandisation de l’éducation où les élus viennent s’informer de ce qui va leur tomber sur la tête.

Les coordinations départementales fleurissent et Internet sert réellement de plate-forme d’échanges informatifs. Ministres et directions syndicales se trouvent largement dépassés par un tel inventaire à la Prévert d’actions, de slogans, de textes, chansons parlant du monde, de justice et de marchands ! Et, quand ce sont les enseignants intimidés par l’addition des journées de grève qui reviennent de temps en temps dans leur classe, ce sont les parents qui refusent d’envoyer leurs « drôles » à l’école.

À ces attaques frontales contre l’Éducation nationale, les membres de la communauté éducative répondent localement et globalement, déplacent sans sourciller les revendications catégorielles sur le terrain sociétal : quelles solidarité et société défendons-nous ! Ce sont des réponses que le gouvernement ne peut entendre, et les directions syndicales savent bien qu’elles définissent les enjeux d’une grève générale. Cette transversalité et ces préoccupations globales dérangent : les grévistes se coordonnent, apprennent la démocratie directe en la vivant, rompent les rôles sociaux en discutant sans intermédiaire avec les familles, les élus, les travailleurs des secteurs publics et privés des solidarités à construire. Et, de fait, très souvent dans nos réunions publiques se pose la question de la place et du rôle de l’école, des services pour le public à « réformer » !

Les occupations de gares, de ponts, les manifestations dans les petites bourgades, les journées mortes émaillent le terroir : la rue devient un véritable forum social jusqu’à… ? Les appels échelonnés à la grève dans les services publics divisent, les tergiversations syndicales immobilisent, une colère sans projet alternatif s’éphémérise… Mais, en attendant, par leur grève-action les enseignants apprennent la coopération, la prise en compte des réalités multiples, des préoccupations des familles et la gestion globalisante de leur quartier, ville ou canton. Il est maintenant temps de transférer des préaux où se déroulent les AG, ces savoir-faire, ces savoir-être dans les classes et dans les couloirs des établissements scolaires.

Une école en grève est ancrée dans son quartier, son village, les acteurs la vivent sur le mode du partage. Chiche de continuer après !

Thyde Rosell