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Rhône-Alpes

Relents de Millon

Le jeudi 18 mars 2004.

Celles et ceux qui gaspillent leur temps à suivre la campagne de la prochaine farce électorale, n’auront pas pu manquer les enjeux spéciaux concernant la région Rhône Alpes. Les médias, mais aussi les politiciens de tous poils et les radoteurs de tous acabits, clament à tue-tête l’épouvantail absolu du F Haine. Ainsi, d’après tous ces prédicateurs acharnés, lors des prochaines élections, il s’agira de nous sauver du fascisme en quelque sorte. Tiens, on nous la refait !

Tous ces gens à la mémoire courte se souviennent soudainement, pendant les semaines qui précèdent le scrutin, du bruit des bottes. Le choc de la dernière présidentielle a secoué l’ambiance, n’est-ce pas ?

Il faut dire que dans 7 des 8 départements de notre région, la saloperie borgne a réalisé le meilleur score, avec une moyenne régionale de près de 3% supérieure à la moyenne nationale. Les uns et les autres n’ont de cesse de nous rappeler l’épisode Millon, en 1998, ce chef de la liste RPR/UDF/MPF, issu lui-même d’une droite se revendiquant démocrate (UDF) qui obtint sa majorité au conseil de région en faisant alliance avec les élus frontistes. Il aura fallu l’annulation de cette élection par le Conseil d’État pour que les gaffeurs millonistes soient mis en dissidence. Pour gouverner la région, il manquait alors une nouvelle majorité. Les élus fers de lance de la gauche plurielle (PS) se dépêchèrent alors à faire alliance avec leurs propres farouches adversaires (UDF), au grand dam de leurs associés de toujours, les Verts et le PC.

Qui donc aurait pactisé avec le diable ? Tous ? Tous, c’est certain. Non, c’est une blague, car le diable n’existe pas plus que le dieu. Par contre, ce qui est avéré, c’est que tous n’ont aucun scrupule pour parvenir à leurs fins. La Déesse Comparini qui succéda au millionnaire est-elle une diablesse ?

À titre andecdotique j’aimerai citer à l’ordre du “remarquable“, le pharangon Thiollière, sénateur-maire RPR de ma bonne ville stéphanoise. En tant que girouette, il est bien huilé sur son pivot, se glissant parfaitement au mouvement du vent. Pendant toute la « crise » il fut : d’abord milloniste, puis plus, puis de nouveau milloniste, puis plus …

Soit dit en passant, le courant des fidèles à Millon (et qui formèrent le parti Droite libérale chrétienne), est réintégré sur la liste actuelle de la droite.

Alors dans ce contexte, on peut facilement deviner qui va gagner le prochain scrutin : les abstentionnistes. C’est une tradition chez nous. Les taux sont toujours supérieurs à la moyenne nationale. Probablement, aux alentours d’un électeur sur deux ne se déplacera pas vers les urnes. Et parmi eux, la grosse majorité sera issue des classes populaires, c’est vous dire comme quoi tout le monde n’est pas dupe. N’oublions pas toutes celles et ceux qui ne sont pas couchés sur les listes électorales, pour telle ou telle autre raison. Évidemment, le dégoût se mêlera au manque d’intérêt, au scepticisme politique, et au je m’enfoutisme aigu. Mais cela contribue à démontrer la qualité de cette démocratie.

Qui va gagner ou perdre ? Je connais à peine le nom des candidats les plus connus (Queyranne-PS/PRG, Comparini pour l’UMP, Gollnish-FN, Leras-Verts, Vachetta-LO/LCR) alors à quoi bon s’éterniser ? Ils et elles seront foule pour venir culpabiliser les abstentionnistes. Si l’extrême droite progresse, ce serait de notre faute ! Mais nous savons reconnaître le fascisme, non seulement quand il fanfaronne et que tout le monde nous le montre du doigt avec insistance.

Le fascisme, en pratique, c’est la terreur sécuritaire et la précarité économique ! Ceux qui envoient leurs CRS sur les travailleurs en lutte, ou sur les collectifs de sans-papiers, et qui pondent des LSQ ou des LSI dès qu’ils sont aux affaires, n’ont aucune leçon à donner.

Et ce n’est pas non plus en nous intéressant à l’extrême gauche marxiste (LO-LCR) que nous sauvegarderons nos libertés, car l’expérience nous enseigne que leurs méthodes nous conduiront soit à d’autres systèmes totalitaires extrêmes (fascisme rouge), soit à la perpétuation, l’aggravation, de ce qui existe déjà, à l’identique de ce qu’a été la ruine du PC.

À Saint-Étienne, 2001, au début de la campagne des élections municipales de 2001, sous gouvernement de gauche donc, et avec une mairie de droite, on a vu ces mêmes CRS (ennemis des prolétaires) affectés dans la rue aux patrouilles et contrôles de police routiniers. À cette époque, une femme roumaine immensément pauvre a été contrainte de séjourner en prison pendant 3 mois (plus 3 avec sursis), « parce qu’elle mendiait accompagnée de ses enfants ».

Depuis, le ballet bleu n’a cessé d’augmenter, et les « faits divers » ont accompagné les licenciements. Comme cet adolescent sans histoire tragiquement assassiné par la police sans aucun motif. Et pour couronner le tout, les flicaillons municipaux sont en train d’obtenir en ce moment même les accréditations et les formations qui les autoriseront à porter des armes à feu.

Quoi que vous en disiez, depuis des années, c’est par les urnes que l’extrême droite et ses valeurs nauséabondes réussissent à s’installer. La seule lutte antifasciste conséquente, c’est la lutte sociale, tous les jours, et sur tous les fronts. Et en ce qui concerne les élections, proclamons la grève électorale illimitée et la coordination des luttes par la base.

À bon entendeur, salut !

Manuel Sanschaise