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Yi king

Le mardi 18 mars 2003.

Daniel Giraud, authentique et turbulent poète taoïste, attaché aux montagnes ariégeoises a publié, il y a déjà quelque vingt années de cela au Courrier du livre, une traduction du Yi King (Livre des mutations, et ouvrage essentiel entre tous de la pensée chinoise) qui à l’époque n’est point passée inaperçue puisque Jacques Pimpaneau lui-même l’avait considérée comme l’une des meilleures réalisée en France. La traduction en question, toute originale qu’elle était alors se tenait cependant proche du texte chinois que nous connaissons aujourd’hui, celle qui est agrémentée des nombreux commentaires confucéens et post-confucéens qui lui ont donné l’épaisseur que l’on sait.

Giraud, anarchiste de cœur et d’âme en a toujours gardé quelque rancœur. Du texte original assorti de ses commentaires monte quelques relents de réformisme idéologique qui ne pouvait évidemment satisfaire notre homme pour qui la liberté une et indivisible ne peut être entachée d’aucun prêchi-prêcha humanitaire. Il a donc fait chauffer sa plume et nous livre ici dans une nouvelle traduction son interprétation de ce qu’il nomme le Tao du Yi King, c’est-à-dire la pensée du Grand Livre telle qu’elle se présentait avant de subir les adultérations confucéennes. Il en résulte un petit ensemble dans lequel la pensée poétique reprend tous ses droits et qui possède de ce fait une originalité affranchie de toute influence.

Giraud connaît très bien la pensée chinoise, et rien de son histoire n’échappe à son regard investigateur et perçant. Fort d’une mémoire chargée de tout ce que la Chine a pu produire de meilleur en matière de poésie et de sagesse, il revisite les hexagrammes et assortit sa nouvelle traduction de commentaires moins abstraits. Disons pour simplifier qu’il tire le concept vers la matérialité poétique dont celui-ci ne devrait jamais s’écarter, prouvant une nouvelle fois qu’il est bien lui-même dans la situation de l’homme hors situation. Il aurait tout aussi bien pu intituler son livre, « poésie du Yi King » puisque toute pensée avant de s’assoupir en sagesse procède bien de ce fondamental élan. Les connaisseurs se régaleront et les non-connaisseurs aussi qui ont tout intérêt à aborder cet ouvrage majeur par la voie qui ne dévie pas, la voie des cœurs sincères qui ne trichent pas.

Claude Margat


Daniel Giraud, Tao du Yi King ou soixante-quatre images symboliques d’un poète taoïste libertaire, éditions Épistoles, 10 euros.