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Chronique de grève au fin fond des zones rurales

Le jeudi 5 juin 2003.

Dans le petit monde de la France d’en bas, la tendance s’oriente vers la récré illimitée !



Qui c’est qu’est caca boudin ? C’est Raffarin ! Quant à Luc Ferry, c’est caca pipi ! Avec le temps le niveau des slogans baisse mais le ton monte… Dans les AG départementales, de secteur ou locales, chacun le sait : parent, enseignant, il faut tenir. Ne pas se diviser entre ceux qui continuent et ceux qui réapparaissent en classe quelques jours le temps d’informer les familles, de reconvaincre les collègues. Dans les manifs, les grévistes portent les badges et reprennent les slogans de la CNT ou des zanars locaux.

On passe de moins en moins de temps à comptabiliser les grévistes, les urgences sont ailleurs. Aider les parents d’élèves à monter un collectif de défense de l’école. Contacter les mecs de l’ANPE, de la DDE et des PTT : les uns sont en grève de trois jours, les autres ont du mal à poursuivre au-delà des journées nationales.

Sur Oléron les instits s’organisent. Il n’y a plus de lien syndical, il faut tout réapprendre : s’informer et informer, écrire, trier les textes à diffuser, chercher des panneaux dans les grandes surfaces, monter une caisse collective pour pallier les dépenses. Quand des municipalités soutiennent les revendications ce sont les parents qui boycottent l’école. Les profs reprennent le boulot le vendredi, les collégiens débrayent et signent une pétition de soutien.

À travers les actions, les débats, c’est tout un mouvement social qui s’organise : tel parent parle du Pare et de ses difficultés de trouver du boulot à 48 ans, la directrice de l’école maternelle apprend à differ des tracts, celle du primaire demande du soutien face à la désapprobation des parents, des élus demandent aux grévistes d’intervenir dans le prochain conseil municipal, une manif départementale se prépare à Marennes, bourgade endormie. La France d’en bas s’organise chez elle avec ses voisins.

La solidarité cimente un groupe bien informel, mais qui déjà se pose la question du lendemain et des possibilités de poursuivre des activités communes. Opposés à la décentralisation à la mode Raffarin, quelle école défendons-nous ? Quelle éducation (et non quels savoirs) voulons-nous pour nos enfants ? Quelles relations voulons-nous avoir avec les autorités locales et les familles ? Quelle Europe sociale avons-nous dans le cœur ?

Ces vraies questions auxquelles personne ne répond clairement mobilisent les villes et les campagnes… et c’est ce que nous aurons gagné dans ce conflit. Une belle victoire !

Thyde Rosell, Correspondante locale et internationale