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Grenoble

Tout vélo ou transport gratuit pour tous ?

Le lundi 27 octobre 1997.

Le jeudi 13 novembre Grenoble a vu déambuler dans ses rues et ses boulevards de bruyants et joyeux lurons. En effet, une manifestation à vélo était organisée par Chiche 38 ! [1], se définissant comme étant des jeunes écolos, « alternatifs et solidaires ». Et les cyclistes forcenés que nous sommes ne pouvaient pas résister à la tentation.

Le « tout-voiture » ou « totalitarisme-vélo » ?

Le mot d’ordre général était la volonté de laisser la place aux circulations alternatives (type bus, tram, vélo, roller, pieds, etc.). Mais ceci se résumait concrètement par le remplacement du « tout-voiture » par le « totalitarisme-vélo », en faisant rimer écologie et économie avec preuves scientifiques à l’appui.

Certes des revendications-slogans plutôt limites (du type « coupez vos moteurs, respirez le bonheur » ou « la voiture ça pue, ça tue et ça rend con ») reflètent des constats accablants pour la voiture : nuisance sonore, pollution de l’air et de l’eau, coût financier, risques d’accidents etc.

Cependant la croissance de l’utilisation urbaine de la voiture répond à la mutation fonctionnelle de la cité : il est impératif d’acquérir une mobilité et une rapidité de déplacement afin de faire « tout plus vite ».

Et c’est certainement la spécificité grenobloise qui suscite tant d’engouement pour la bicyclette. En effet, c’est une des villes françaises les mieux dotées en pistes cyclables, même si ce cadre peut être amélioré (entretien des pistes existantes, création de nouvelles, plus de parkings à vélo, pose des petites bornes pour empêcher les voitures d’y stationner, etc.), et il suffit de les fréquenter pour voir qu’ici toutes les palettes sociales y sont représentées, de l’ouvrier en bleu qui part à l’usine au cadre d’entreprise en complet-veston.

Une telle manifestation en vélo nous concernait en tant qu’« adeptes », car il faut bien dire que ce mode de circulation correspond à une certaine façon de vivre pas plus stupide qu’une autre : moins polluant, moins encombrant (avec lui, finis les bouchons !), et créant aussi des sociabilités différentes, les gens sont très aimables à vélo.

Mais là où le bât blesse, c’est que, même si « la bicyclette améliore les hommes, et l’on vivra bientôt jusqu’à cent ans » (A. Bruant in Le vélo au temps des belles moustaches), quand il pleut ou quand il fait froid, quand on n’est pas en forme, quand on est handicapé, ou vieux, ou qu’on n’aime pas les efforts physiques, ou pour transporter des objets lourds, etc., là le vélo trouve lui aussi ses limites.

Une solution : la gratuité des transports en commun

Il est évident que se déplacer est une nécessité et que la pollution engendrée par un bus ou un tram est bien inférieure à celle des voitures si l’on prend en compte le nombre de personnes qu’un bus ou un tram peuvent transporter.

Mais c’est bien joli de prôner les modes de circulation alternatifs, seulement vouloir résoudre le problème de la pollution sans résoudre celui du prix des transports ne résout rien. C’était donc pour nous l’occasion de recadrer les discussions en donnant nos positions anarchistes sur les transports en communs gratuits pour tous.

Même si les transports en commun de l’agglomération grenobloise (TAG) ne sont pas les plus chers de France, se déplacer ainsi coûte quand même assez cher, et la fraude est assez risquée. D’ailleurs, il est de plus en plus fréquent de voir la police escorter les contrôleurs : ainsi à Grenoble, depuis l’agression d’un chauffeur, 50 flics assermentés ont été rajoutés pour effectuer les contrôles, car il est plus facile de céder à la parano sécuritaire que de s’interroger sur les causes véritables de ces actes. Rappelons au passage que ce sont en partie les contrôles dans les transports en commun qui ont permis, et permettent encore, de repérer les clandestins et les étrangers mis en situation irrégulière.

L’usager est donc soit obligé d’acheter son billet pour voyager tranquillement (il est ainsi racketté), soit il est en situation d’insécurité (il est contrôlé, fliqué et réprimé le cas échéant).

Il y aurait bien une solution pour stopper les agressions, pour encourager les gens à délaisser leur bagnole et lui préférer le vélo ou les transports en commun.

Cette solution, c’est la gratuité des transports en commun, qui rétablirait une bonne fois pour toutes le droit à chacun de se déplacer, quel que soit son niveau de vie. Cette solution rendrait aussi nos villes plus saines, plus calmes, plus viables.

Séverine
groupe Jules Vallès (Grenoble)


[1Ce mouvement politique de jeunes est issu des quatre partis écologistes et de la « gauche alternative » (Verts, Alternative rouge et verte, CAP, Écologie citoyenne). Même s’ils ont leur parti de référence, la plupart de leurs adhérents ne s’y reconnaissent pas. Notons que Chiche ! n’a pas vocation à se présenter aux élections.