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Journée d’actions du 3 juin

à quand la dernière ?
Le jeudi 12 juin 2003.

La bataille des chiffres a encore fait rage pour dénombrer les foules contestataires qui défilaient pour conspuer le plan Fillon et les mesures de décentralisation. Entre un million et un million et demi de personnes auront défilé du nord au sud du pays. Les témoignages des militant(e)s qui nous sont parvenus nous permettent, une fois de plus, de dégager des grandes lignes de cette journée.

Tout d’abord, le fléchissement du nombre des manifestants, comparé au 13 mai — d’ailleurs, pourquoi comparer au 13 mai ? —, n’est pas constaté partout. La baisse, explicable par l’épuisement des plus anciens dans la lutte, reste très relative et indique malgré tout un mouvement d’une ampleur peu banale. Ainsi, on verra 70 000 personnes à Bordeaux, 30 000 personnes à Nantes et Lyon, 25 000 à Avignon, près de 20 000 à Toulon et à La Rochelle. Même dans les villes plus petites, ce sont des cortèges massifs qui se sont constitués : 15 000 à Nîmes et à Rennes, 5 000 à Cherbourg, Besançon et Rochefort, 3 500 à Nancy et Boulogne, 3 000 à Charleville-Mézières et Saintes…

Il est très clair que les personnels grévistes de la fonction publique étaient moins présents, et que c’est une plus nette présence du secteur privé qui a compensé : commerce, métallurgie, transports, chambres de commerce, grosses usines, etc. Il y a donc là un signe encourageant pour la prochaine journée d’action du 10 juin de voir le privé entrer dans la danse sociale, en particulier les transports routiers et leur puissante capacité à paralyser le pays.

La composition des cortèges a globalement évolué. Les cortèges syndicaux homogènes (FO, FSU, CGT, Sud, CFDT en lutte, etc.) ont fondu. Bien présents partout, ils ont pourtant laissé la place aux cortèges des intersyndicales des établissements en lutte : établissements scolaires, entreprises. Ce qui démontre que la lutte se structure localement et qu’elle s’enracine, que la pratique des assemblées générales et de l’autonomie d’action et de décision restent une pratique courante dans la lutte sociale. Et, heureusement, car seuls, la CNT et les syndicats Sud auront du mal à retourner la situation de statu quo imposée par les syndicats majoritaires qui sont en train de sacrifier les personnels en lutte depuis six semaines. Une CGT qui s’implique mais sans appeler à la grève reconductible tiraillée entre une base qui pousse et une hiérarchie qui cadre la contestation ; FO qui, selon les régions, s’investit pleinement mais rivalise avec la CGT pour ne pas aller trop loin vers la généralisation du conflit ; la tiédeur de l’UNSA ou des CFDTistes oppositionnels un peu perdus dans leur largage d’amarres confédéraux. Tout cela nous donne des positions confédérales qui tranchent avec les revendications de base.

Partout, les cortèges restent dynamiques ; partout, les mots d’ordres de « grève générale » sont scandés et repris. Une radicalisation des mots d’ordre et des actions s’annonce déjà : manifs devant les bureaux des médias partiaux (Cherbourg, Nancy, Charleville), blocages de circulation (Calais), de ponts (parents d’élèves de Boulogne), manifs devant les sièges locaux du Medef (Charleville), actions bloquantes ou filtrantes, blocages de dépôts (communaux de Nantes), Les libertaires, les anarchosyndicalistes et leurs cortèges semblent avoir trouvé un rythme de croisière et stabiliser une présence pour leurs apparitions : la Fédération anarchiste apparaît souvent, fréquemment aux côtés de la CNT.

À la tension qui monte, alimentée par la colère face à un pouvoir méprisant, répond la répression : à Calais, la police a tiré des gaz lacrymogènes à tir tendu sur le cortège qui s’approchait de l’autoroute. Cela risque de se multiplier dans les jours prochains.

Tout le monde est bien conscient qu’il faut maintenir la pression entre ces temps forts d’une journée qui pourtant se suivent et se ressemblent. Cette pression doit impliquer tout le monde : travailleurs ou pas, du public ou non, hommes et femmes, parents d’élèves ou étudiants, et déborder le seul terrain des entreprises. Dans cette perspective, la lutte syndicale dans l’entreprise et la lutte dans les quartiers sont à associer !

Pour décisifs qu’ils soient, ces « temps forts » restent frustrants pour ceux qui en attendent davantage. Car il en faudra un peu plus encore pour obtenir gain de cause : sans grève générale reconductible à tous les secteurs et entérinée rapidement par les syndicats, il n’y aura pas de victoire. Alors, à quand la dernière journée d’actions, la décisive ?

Daniel, groupe Gard-Vaucluse avec le concours des groupes de la FA