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Expérience au Burkina Faso

Le jeudi 12 juin 2003.

Jo Ballade, bioculteur en Ariège et animateur de Prommata, a apporté son savoir-faire lors d’une mission de coopération avec la commune rurale de Kamboincé. Extraits du carnet de bord.



Depuis longtemps, au Burkina, certains ont laissé leurs traces : des tracteurs aux pneus lisses qui pompent le fuel comme trois cents mobylettes, qui écrasent les sols fragiles et les pulvérisent à coups d’énormes disques ; des charrues qui retournent la terre, sans en prévoir les conséquences à moyen ou long terme.

On y trouve pas mal de matériel suisse, italien ou français, rouillé, abandonné faute d’entretien ou parce qu’il était, malgré toute espérance, inutile ou inapproprié.

Le CFPPA des Vaseix connaît bien la problématique agronomique du Burkina. L’expérience a permis d’amener les outils et le porte-outils appropriés.

Ici, les animaux de trait, zébus et ânes sont assez petits mais très robustes et volontaires. Ils ne sont pas entretenus mais ont une bonne santé. Les sabots s’usent sur les pistes de latérite et les pieds ne sont jamais parés. Les ânes servent uniquement à tirer des charrettes métalliques. La sellette : une plaque de tôle pliée, posée sur un sac rembourré. Les porte-brancards fixés à la sellette : une chaîne de mobylette. Pas de palonnier, et le collier (un pneu de vélo plié en deux, enroulé par des bandelettes de tissu) est attaché directement sur les brancards. Il existe du cuir en quantité sur le marché, mais je n’ai vu aucune bourrellerie.

Il faut casser cette croûte sèche et dure pour pouvoir semer rapidement dès les premières pluies. Il n’y a que deux à trois semaines pour tout faire et, à part la préparation du sol qui peut se faire avec des zébus, l’ensemble des travaux s’effectue le dos plié.

Près des barrages, proches des lits des rivières ou dans les zones irrigables grâce à des forages : les légumes sont cultivés en période sèche, en planches ou en sillons.

La totalité du travail s’effectue à la main. Des petits rectangles de cultures sont inondés sans cesse, grâce à une pompe à eau, à énergie humaine.

Dans la brousse, à la saison des pluies, on cultive du sorgho, du mil, des arachides, du niébé, du riz pluvial, du coton… à partir de juin, les pluies tombent violemment en très grande quantité ; les sols sont alors lessivés, et la terre de surface est emportée dans les bas-fonds. L’érosion a été favorisée par des techniques de travail inappropriées (par exemple le labour au tracteur) et une désertification croissante. Le manque d’humus est aggravé par la perte totale des déjections animales qui sèchent et se minéralisent sur le sol.

à la main les rigoles d’irrigation, les buttages, les arrachages, les trous de plantation (le zaï). Les besoins pratiques sont exprimés ; casser la croûte sèche avant les pluies pour pouvoir semer rapidement ; creuser des rigoles d’irrigation ; monter des billons en très peu de temps ; retenir l’eau, favoriser son infiltration ; utiliser les ânes dans les cultures et améliorer leur harnachement pour le travail agricole ; pouvoir faire les récoltes de pommes de terre et d’arachides en utilisant la traction animale (tout se fait, là encore, à la main).

Tout le monde exprime le besoin de « s’en sortir », et le chef coutumier de Kamboincé a été clair : « Les paroles, c’est bien, mais il faut maintenant du concret ; on ne veut plus accepter le poisson mais plutôt apprendre à le pêcher. »

La grande souplesse d’utilisation de la Kassine (sa polyvalence) permet d’effectuer tous ces travaux avec le même porte-outils ; tout le monde a vite compris la différence apportée (en comparant avec les types houes-sine) par la barre à cran, le crochaxe et la forme du guidon. Pouvoir la transformer en Kanole, donc lui adapter un timon ou un brancard, pouvoir l’utiliser comme moyen de transport, a fait d’elle la vedette de la mission… Ceux qui travaillent pour une agriculture durable dans l’idée de préserver l’eau et la vie des sols constatent, dès les premiers essais, l’efficacité de la sous-soleuse.

Le CFFA de Kamboincé a lancé un programme de fabrication de la Kassine dans le but d’en obtenir cinq avant la fin de l’année.

Un jeune agriculteur, Antoine Tarpilga, travaillant 20 hectares, veut faire des démonstrations dans les villages ; il va participer activement à la diffusion de la Kassine et se propose de former les paysans à son utilisation. Une formation en Ariège, de cet agriculteur serait aussi très utile.

Mon point de vue, exprimé ici, concerne uniquement les zones que j’ai pu visiter et non pas l’ensemble du pays.

Mon implication personnelle dans cette « mission », en cohérence avec l’éthique de Prommata (garante de celle de Jean Nolle) n’est motivée ni par « l’humanitaire » ni même par la prétention d’exporter le savoir-faire européen (que dis-je : ariégeois !)

Ce n’était donc, tout simplement, qu’un échange entre paysans.

Jo Ballade, bioculteur