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Services publics à la mode libérale

Le jeudi 3 novembre 2005.

La notion de service public est très large, elle regroupe des fonctions diverses et variées que l’autorité a reconnu d’ « intérêt général ». Généralement, ce sont les tenants du pouvoir qui la définisse, la redéfinisse (l’Union européenne par exemple), et qui la modifie par des procédés divers et variés eux aussi. Tâchons, tout d’abord, de la définir, puis d’analyser les méthodes employés depuis plusieurs années afin de libéraliser leurs fonctions.

Définition

On distingue trois fonctions de services publics, chacune d’elles devant répondre à certains impératifs tel que l’accessibilité pour tou-te-s, auquels l’économie de marché ne peut répondre par soucis de rentabilité :
— les fonctions régaliennes, propre a tout état, qui ont notamment pour but le maintien d’une certaine conception de l’ordre par le biais de diverses institutions : Police, Justice, Défense nationale, Administration, Finances publiques.
— les services non marchands, pour l’essentiel gratuits, financés par les impôts et les cotisations obligatoires tel que l’enseignement, la santé, la sécurité sociale, l’aide sociale, la culture, etc.
— les services marchands, financés par les usagé.e.s et les prélèvements obligatoires tel que les services postaux, les transports, de l’énergie, etc. Chacune de ses fonctions a un traitement particulier.

Les services non marchands réorganisés

Afin de se débarasser des structures considérées comme des fardeaux par l’État libéral, ce dernier s’en déresponsabilise et y coupe les vivres, sans pour autant les privatiser, dans la mesure où elles ne peuvent subvenir à leurs besoins elles-mêmes et que leurs nécessités restent fondamentales (pas folle l’abeille). Nous avons pu constater les projets et les mises en applications de restrictions budgétaires, de renforcement du pouvoir des directeurs, mais aussi, dans une autre mesure, à la décentralisation, qui crée des inégalités entre les collectivités locales qui n’ont pas les mêmes densités de population, ni les même possiblités financières, surtout face à leurs nouvelles fonctions, bien qu’ayant permis à ces dernières d’agir de manière plus rapide et plus efficace notamment dans le secteur de l’enseignement.

Les services marchands entre privatisations et ouvertures de capital

Les premières entreprises publiques privatisées, considérées elles aussi comme des fardeaux à financer, ont directement été mises sur le marché sous les gouvernements Chirac et Balladur. Cependant, l’opinion publique, les syndicats et les salarié.e.s (ayant un poid certain dans ces entreprises) commençant à rejeter cette politique, les politicards ont changé de tactique. En effet, ne renonçant pas à leurs projets, il fallait faire passer la pillule. On privatise plus, on « ouvre le capital de l’entreprise », en donnant une part aux salariés, l’État en gardant une autre, et le reste sur le marché. Petit a petit, à mesure que le temps passe, l’État ouvre de plus en plus son capital pour au final devenir minoritaire, voir inexistant. Cette méthode a su porter ses fruits et continue d’être mis en place comme le montre ouverture du capital d’EDF, de la SNCM, etc. Elle est non seulement dangeureuse pour les salarié.e.s qui se retrouvent isolé.e.s face à une direction et des actionnaires qui leurs sont on ne peut plus opposé, mais également « pour la mission de service public » elle même : même bénéficiaire, les investissements nécessaires pour assurer cette mission sont colossaux et une entreprise presque entièrement devenue privée, sans le soutien des subventions, s’avère incapable de les prendre en charge. Les méfaits de cette incompétence ont pu être constater lors de la privatisation du rail en Grande-Bretagne (multiples accidents, mesures de sécurité mis au second plan…), de l’électricité en Italie, qui a connu un black-out généralisé en septembre 2003, ainsi qu’en Californie. Tous ces pays ont dû revenir sur leurs politiques afin d’assurer la mission de service public délaissée, qui de plus mettaient très clairement l’économie en danger.

Les fonctions régalicnncs renforcés

La politique libérale accentuant les inégalités, l’exclusion, les attaques au syndicalisme, etc, les services publics à mission répressive (nous vous le rendrions bien ce service nous aussi…) voient leurs rôles accrus (mais non, c’est dans l’intérêt général qu’ils disent, ben tiens !) : budget de la police et de l’armée augmenté, hausse de leurs effectifs, arsenal judiciaire consolidés…

Que faire ?

Nous ne cesserons probablement jamais de le dire, mais la lutte et l’entraide interprofessionnelle, sans une hiérarchie qui vient nous rappeler à l’ordre, resteront nos meilleurs armes face cette politique. Toutefois, le renfort des usagers face à ce phénomène est un enjeu primordial. Les « médias collabos » font eux aussi leurs propagandes et arrivent, en partie (il n’y a pas que des cons heureusement) à délégitimer les mouvements sociaux à travers des images et un vocabulaire qui choquent (combien de fois a-t-on vu et entendu ce petit patron, ce cadre supérieur, ce D.R.IL. ou cette petite vieille qui longe le mur quand un jeune passe à coté d’elle, accuser ces « fainéants de grévistes fonctionnaires qui viennent prendre en otage les usagers qui veulent bosser, eux ! »). Dans les manifs de profs , on voit bien peu d’élèves, celle des cheminots et des chauffeurs, bien peu de voyageurs, celles des médecins, bien peu de patients (mais eux à la rigueur, je les appouve), etc. La nécessité de réfléchir sur un service public autogéré par et pour les travailleurs, mais aussi les usagers, pour une société future mais aussi pour nos luttes futures, semble primordiale.

Tit Nathan Débile, Groupe Idées noires