Accueil > Archives > 2006 (nº 1421 à 1459) > 1428 (2-8 mars 2006) > [Banzaï]

Banzaï

Le jeudi 2 mars 2006.

Ce n’est pas une information et les lecteurs du Monde libertaire le savent tous : nous n’avons rien à espérer, rien à attendre de ceux et celles qui nous gouvernent. Nous savons que toutes les décisions qu’ils peuvent prendre, ils les prennent toujours contre nous.

Nous sommes dans une position antagoniste vis à vis d’un État qui défendra toujours une classe qui ne sera jamais la nôtre. Le problème c’est qu’on ne sait jamais jusqu’où iront ceux qui nous gouvernent et, ces derniers temps, ça ne s’arrange pas. Le catalogue des mesures prises s’alourdit chaque jour de décrets, de lois, de décisions qui viennent réduire nos vies.

Les Borlo, les Villepin nous font des effets d’annonces « sociales » qui sont contredits dans les faits. Ils n’ont en bouche que des phrases du type : « créer des emplois », « faire baisser le chômage » Mais personne n’est dupe, s’il y a une baisse du chômage c’est uniquement par une augmentation des radiations de l’Assedic et par une répercussion des départs en retraite de la génération d’après guerre.

Borlo a ressorti ses Chèques-Emploi-Service « Universels » qui ne vont servir qu’une catégorie aisée de la population qui pourra embaucher pour des emplois de service (nettoyage, jardinage…). Bref, des emplois précaires de chez précaire. Même pas des boulots, juste de quoi survivre. Et cela nous est présenté comme une avancée sociale !

De Villepin, tout en parlant de Contrat à durée indéterminée n’a fait qu’imposer le CPE, c’est à dire plus de précarité et la casse prochaine du droit du travail. Le but, non avoué, est de casser tous les statuts, tous les acquis sociaux et de précariser davantage, pour, à terme, offrir sur un plateau une classe ouvrière exsangue qui ne pourra plus qu’accepter n’importe quel emploi. Notamment lorsque les patrons, ne pouvant plus compter sur des transports à bas coût (rareté du pétrole oblige), devront relocaliser certaines entreprises.

En même temps, Sarkozy joue les chiens de garde, prend des mesures autoritaires, s’attaque aux jeunes et à ceux et celles issus de l’immigration, joue la carte du communautarisme et nous prépare, de manière soft ou pas, un État policier.

On pourrait ajouter l’affaire du Clemenceau, le voyage de Chirac en Inde, pour jouer à l’agent de commerce, etc. Bref, les raisons de la colère ne manquent pas.

De l’autre côté, celui de l’opposition, nous n’avons rien à attendre non plus. On les connaît trop : on les a déjà vus aussi. Si dans les rangs parlementaires les députés PS et PC jouent les troublions inutiles, ce n’est que pour donner le change et nous faire tenir jusqu’aux échéances électorales de 2007. Les cadors du PS auraient fait à peu près pareil, concernant le CPE, s’ils avaient été aujourd’hui aux commandes de l’État. Pour le PC, essayant de récupérer tous les mouvements qui bougent, il tente des « forums citoyens » et tout ce qui a fait, jadis, le relatif succès du mouvement altermondialiste, pour se refaire une santé.

Quant aux syndicats : ils sont dans l’atermoiement. Sentant une base quelque peu revendicative et poussés par les petits syndicats de type Solidaires, il y a un flottement. Flottement d’autant plus sérieux que la CGT prépare son congrès et qu’il y a une frange importante du syndicat qui est mécontente et qui s’opposera à Bernard Thibaud.

Depuis quelques semaines, pourtant, il se passe des choses.

Les manifestations anti-CPE se sont multipliées (même si le mois de février est toujours difficile du fait des vacances), avec de fortes mobilisations à Toulouse et à Rennes. On a pu voir les lycéens, les étudiants et les salariés ensemble dans de même manifs.

Des actions ont lieu, des occupations, des rencontres ainsi que des coordinations. Une journée d’action est prévue pour le 7 mars (à l’heure où ces lignes sont écrites, seuls FO et Solidaires se sont prononcés pour la grève ce jour là). Il est certain qu’il ne faudra pas en rester là. Il est vrai que se faire trimballer de journée d’action en journée d’action, en passant par des « temps forts », c’est comme si on avait déjà vu le film. Si ce n’est que, vu l’état des troupes, nous en sommes arrivés là. Car il faut se donner les moyens d’agir. Il faut trouver l’étincelle.

Ce n’est que dans la lutte que les anarchistes peuvent se faire entendre, et faire avancer leurs idées et propositions.

Que nous soyons, syndicalistes, anarchosyndicalistes ou rien de tout ça, il importe de s’impliquer pour créer les possibles pour un véritable mouvement social, pour que chacun retrouve des habitudes de luttes, puisse imposer aux bureaucraties syndicales la grève générale, pour retrouver la volonté de construire des utopies et se battre pour un monde sans classe ni État…

De toute façon, nous n’avons plus le choix.

Jean-Pierre Levaray