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éditorial du nº 1431

Le jeudi 23 mars 2006.

Le monde bouge, mais bouge-t-il bien ? La réponse, pour nous anarchistes, est négative.

De toutes les luttes ouvrières des siècles derniers, de tous les acquis obtenus par la classe ouvrière, il ne reste que peau de chagrin. Des révoltes passées, les échos des médias ne retiennent qu’aménagement du travail, de la vie quotidienne et épanouissement de l’individu. Mais pour toutes et tous, il y a plusieurs vitesses. C’est ce que l’on nommait auparavant les happy few, ceux qui étaient quelques-uns à partager le meilleur. Maintenant, le concept s’est démocratisé, toutes proportions gardées, on cause de bobos.

Le mouvement ouvrier, la vision d’un autre monde, où l’exploitation de l’homme par l’homme ne serait plus, passe aux oubliettes, place au profit individuel.

Dans les médias échauffés par l’idée d’un nouveau Mai 68, les salles de rédaction cherchent le sensationnel. Ils trouvent que sur la montagne Sainte-Geneviève, les voitures ne brûlent pas beaucoup et que le « jardinage » du boulevard Saint-Michel prend du retard.

Pour les jeunes générations il convient de rappeler que ce terme était employé, avec dédain, par certains trotskistes en 1968, pour qualifier le dépavage des rues pour constituer des barricades !

Certes nous n’en sommes pas encore là. On pourrait même réaffirmer que rien ne se déroule comme prévu. Qu’un mouvement social, qu’une révolution ne se décrètent pas, dans des états-majors politiques, que le monde est en perpétuel renouveau.

Qui aurait, début 1968, « prédit » les événements de mai ? Qui aurait annoncé la révolution espagnole, la Commune de Paris…

Le mouvement anti-CPE a-t-il été élaboré pour redorer les habits fripés de la gauche française ? A-t-il été concocté par la gauche de la gauche ? Ni l’un ni l’autre, ni par les anarchistes. Il est venu de circonstances objectives, d’une attaque frontale contre les conditions de travail de ceux et celles qui ne vivent que par leur chèque de fin de mois. Les événements ne se décrètent pas, ils sont les fruits des luttes quotidiennes, du travail militant au jour le jour. Arrive une étincelle qui enflamme un mouvement, mais tout ceci ne se décrète pas dans les partis politiques ou à l’Assemblée nationale.