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éditorial du nº 1438

Le jeudi 11 mai 2006.

Alors que tintinnabule le concert de casseroles annonçant le départ de la croisière électoraliste à laquelle nous convient les chantres de la démocratie parlementaire, l’État, se croyant dissimulé par un tintamarre, renforce son contrôle sur tous et toutes en instiguant de nouvelles lois sur l’immigration.

Quelles que soient leurs tendances, tous les élus de la République, d’un bord à l’autre de l’Hémicycle, sont d’accord pour nous ceindre en une nation dont ils définissent eux-mêmes les délimitations. Sans unité territoriale, culturelle, ni même linguistique, cette entité n’a pour point commun que l’État français.

S’il faut parler français pour être français, alors pas mal d’Alsaciens, Normands, Bretons et autres Basques, Catalans, Occitans peuvent commencer à faire leurs valises pour quitter le pays de leurs pères et de leurs mères.

L’appel au patriotisme, surtout quand il passe par l’appel au resserrement national face à l’invasion de l’immigration, est encore efficace sur les générations d’hommes dont le passage à l’âge adulte était consacré par la conscription, passage à travers les rouages mortels de la Grande Muette, l’armée, qui charcuta leur conscience au point de leur faire prendre l’État pour leur véritable père.

Dans la société patriarcale, sur laquelle sont basés le culte de l’État et les religions monothéistes, le besoin d’un père, dont on ne peut s’émanciper, entraîne une dépendance nuisant à l’épanouissement des individus.

Heureusement, les esprits ont quelque peu évolué. Les jeunes générations ont été moins violemment orientées, bien que l’éducation civique tende toujours à les embrigader ; les femmes s’émancipent, même si certaines, pour réussir, s’insèrent encore trop souvent dans le système patriarcal, dont elles copient les comportements. Le capitalisme lui-même a intégré cette évolution, s’adaptant, telle une vipère, aux conformités du terrain sur lequel il évolue.

Les méthodes modernes de management ont abandonné, tout du moins ici en Occident, depuis longtemps, l’organisation patriarcale basée sur l’ordre militaire. Fondé sur l’individualisation et la mise en concurrence, canalisant la combativité pour la détourner de la lutte des classes vers la foire d’empoigne, l’ordre nouveau de la démocratie libérale nous relègue, nous les producteurs de richesses, au niveau d’une fourniture, d’une marchandise. Français, Sénégalais, Iraniens, Colombiens ou Tamouls, nous sommes tous égaux. Nous ne devons pas accepter que les politiciens et autres dirigeants économiques nous divisent au nom de leurs profits.