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À la petite semaine

Automaticité

Le jeudi 4 décembre 1997.

Le navrant débat sur la nationalité, né de la progression foudroyante d’une épidémie hexagonale de lepénisme aigu, vient de faire rechuter l’opposition parlementaire dans une fièvre patriotarde délirante dont le symptôme le plus criant reste cette purulente enflure déclamatoire parsemée de qualificatifs les plus sottement grandiloquents destinés à évoquer l’appartenance à l’incomparable communauté française.

« Honneur », « fierté », « gloire »… c’est ainsi, parait-il, qu’il convient de nommer le hasard qui nous a fait naître sur ce bout de terre de l’extrême ouest occidental, menacé, dit-on, par une invasion de primitifs sans honneur congénital, sans fierté innée et sans gloire transmise en héritage, car venus au monde hors de nos sublimes frontières.

Ainsi remise sur son piédestal et présentée comme il se doit, la nationalité française, valeur humaine en soi, ne peut évidemment, sans être aussitôt souillée, faire l’objet de marchandages politiques et de compromis ordinaires. Un Parlement où furent votés naguère les pleins pouvoirs francs et massifs à un régime pro-allemand et nazi ne saurait sans s’avilir transiger sur l’honneur, dans sa patrie même, comme il le ferait de la durée hebdomadaire du travail ou de tout autre sujet vulgaire ! Aussi les représentants de la droite ont-ils bien fait de souligner le scandale que constitue l’obtention automatique de cet honneur, à l’âge de dix-huit ans, pour les enfants d’étrangers nés sans le vouloir sur notre sol glorieux.

Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Finissons-en dans le même temps avec toutes ces automaticités qui sont autant de portes ouvertes au laxisme et à l’anti-France, notamment celles qui ont trait elles aux valeurs plus que jamais essentielles, comme le capital et son accumulation. Faisons en sorte que désormais tout enfant né dans ce pays de parents fortunés, désireux de récupérer tôt ou tard les tableaux de maîtres et l’argenterie de papa-maman, la direction de l’entreprise familiale, la propriété du Lubéron ou de Saint-Jean-Cap-Ferrat, le haras de Normandie et le yacht ancré à Deauville ou à Saint-Tropez, en fasse la demande officielle auprès des bureaux d’aide sociale, qui décideront de la suite à y apporter.

Être riche, ça se mérite !

Floréal