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Paris

Manif, récup’

Le jeudi 4 décembre 1997.

La manifestation des sans-papiers, le 22 novembre à Paris, était soutenue par de très nombreuses associations, syndicats et partis politiques. Nous aurions dû être une multitude à parcourir le trajet qui sépare la chambre des députés du Sénat. Combien étions-nous ? Huit mille, dix mille ? Trop peu, bien sûr, mais sensiblement plus que lors de la manifestation du 1er novembre. La présence libertaire restait faible. Les premiers concernés, les sans-papiers s’étaient plutôt mieux mobilisés que précédemment. La plupart de ceux-ci, les Africains notamment, s’étaient regroupés derrière les banderoles des différents collectifs ou foyers de la région parisienne avec leurs propres slogans revendiquant, notamment, des papiers pour tous et l’abolition de la double peine.

Les Asiatiques eux, apparaissent depuis quelque temps sous les bannières de la CGT. Il est à la fois pathétique et révoltant de les voir littéralement couverts de badges et d’autocollants de cette organisation. Cette pratique écœurante se développe, et elle est maintenant l’occasion pour certaines organisations politiques et syndicales de les transformer en véritables supports publicitaires portant banderoles et autres drapeaux. On pouvait aussi voir des pancartes reproduisant à l’identique la couverture du magazine Les Inrockuptibles avec un pastiche de l’affiche du film Volte face où le visage de Debré perce derrière celui de Chevènement. Dans le générique suivent les noms de politiciens intervenant dans le débat sur les sans-papiers. S’agit-il d’un coûteux gadget financé par une richissime organisation, ou tout simplement d’un coup publicitaire monté par le magazine en question ?

La récupération est partout, les collectifs de sans-papiers départementaux n’y échappent pas. C’est le cas de celui du Val-de-Marne, abrité par la maison des syndicats de Créteil, œuvre du conseil général (PC) du Val-de-Marne. C’est là qu’ont lieu les assemblées générales où sont présents des compagnons de la FA et de la CNT ; celles-ci restent néanmoins chapeautées par les syndicats dits représentatifs, ainsi que la LDH et le MRAP, tout ceux dont les préoccupations principales ont été à ce jour de canaliser le mouvement et d’empêcher tout débordement ; en témoigne la teneur de leurs tracts préconisant une « refonte de la législation », une « régularisation juste », la « mise en place de comités de suivi auprès des préfectures », composés des mêmes, bien sûr et, accessoirement, de représentants des sans-papiers… Ceux-ci ont les plus grandes difficultés à faire entendre leur voix. Pourtant ils ont beaucoup à dire et nous nous en sommes rendus compte lors d’un récent débat organisé à l’initiative du groupe FA Élisée-Reclus d’Ivry.

Beaucoup parmi les très nombreux sans-papiers présents ont pu librement prendre la parole et exprimer leur souhait de mener eux-mêmes, sans être cornaqués par les habituels relais de l’État, des actions plus radicales pour défendre leurs droits. Les rejets de dossiers tombent maintenant par centaines, l’arbitraire étant la règle. L’arrogance du préfet du Val-de-Marne et l’attitude du personnel de la préfecture outrepassent la neutralité. Les sans-papiers savent qu’ils ont été trompés sur toute la ligne et rendus encore plus vulnérables en dévoilant domicile et emploi. Ils sont nombreux à vouloir s’auto-organiser pour radicaliser leur lutte. Beaucoup savent qu’ils peuvent compter sur nous pour défendre la liberté de tout individu à circuler et à s’établir là où il le souhaite.

Jacques
groupe Étoile Noire (94)