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La Mainmise de l’Église catholique sur les prisons de femmes

Le vendredi 8 août 1997.

Les bonnes sœurs de Fleury-Mérogis sévissent dans la maison d’arrêt des femmes, depuis l’ouverture en 1968 ; elles se trouvent aussi à Fresnes et à la Maison Centrale des femmes de Rennes. À cette époque, un nombre important de religieux et religieuses n’avaient pas hésité à se défroquer.

Malheureusement, à l’intérieur de cette institution totalitaire elles se sont accrochées. Et, aujourd’hui, malgré de nombreuses interventions de divers organismes comme la Ligue des Droits de L’Homme, malgré des documents comme « Envoyé spécial » de novembre 1995, où l’on voit « les bonnes sœurs » de la prison de Fleury-Mérogis dans une action anti-IVG, elles sont toujours là, plus déterminées que jamais à ne pas abandonner ce lieux de misère, où elles font un travail scandaleux de propagande et de destruction auprès des détenues.

Un exemple : il y a quelques années, une jeune femme enceinte voulant avorter a dû consulter la psychologue qui était… une bonne sœur. Malgré les pressions, la jeune femme maintient sa position. À son retour de l’hôpital de Fresnes, en entrant dans sa cellule, elle trouve deux petits chaussons, un rose et un bleu, avec un poème concocté par un groupe anti-IVG : « Maman, tu m’as tué »… Le lendemain, cette jeune femme s’est suicidée.

En 1996, une autre femme séropositive, enceinte. Après plusieurs rencontres avec le service médical de Fleury-Mérogis, elle décide d’avorter. Les bonnes sœurs à l’affût commencent à lui faire subir des pressions. La femme craque, elle accouche. Trois mois après, son enfant meurt du sida…

Le texte qui suit est la dénonciation de quelqu’un qui vit, malgré elle, tous les jours, le problème de l’intérieur

Émission Ras les Murs (Radio libertaire)



Dans les lycées et les collèges, les responsables d’établissement font une chasse impitoyable au tchador, drapeau de la religion des Infidèles. Mais savez-vous que dans notre pays très laïque et républicain, une congrégation de religieuses catholiques portant une noire soutane, un voile sombre et, sur la poitrine, la croix du crucifié, règne dans plusieurs prisons de femmes et autres services pénitentiaires de Fresnes, à la centrale de Rennes et à la Maison d’Arrêt des femmes de Fleury-Mérogis ?

Contrairement aux aumôniers catholiques, pasteurs protestants, imams, rabbins et moines bouddhistes, elles ne remplissent pas seulement des fonctions d’aumônerie, catéchisme, animation de la chorale et de la messe du dimanche, mais, surtout, de nombreuses tâches dans le fonctionnement des services pénitentiaires pour lesquelles elles sont rémunérées et logées.

Il n’y a pas si longtemps, à Fleury-Mérogis, leur communauté était installée en pleine détention. Elles occupaient la division la plus confortable, celle réservée aux détenues qui ont accouchés en prison et vivent avec leur bébé. Chaque religieuses avait une cellule comme chambre à coucher, comme c’était le cas à la prison, qui se trouvait dans le 11e arrondissement et qui s’appelait « La Petite Roquette ».

C’est Robert Badinter, en 1981, qui les a obligées malgré leurs protestations à vivre dans un bâtiment construit spécialement pour elles à cent mètres de la prison.

Un rapport récent du ministère de la Justice signale le côté contradictoire de la présence des religieuses catholiques, notamment dans les infirmeries et dans les tâches d’enseignement. « En conclusion, dit ce rapport, en dehors, bien entendu, du service de l’aumônerie, il m’apparaît que, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, (une plainte ayant été déposée en 1995) la participation de religieux au fonctionnement du service public pénitentiaire est difficilement compatible avec l’obligation de neutralité de l’ensemble des services publics. Le port des signes d’appartenance à une religion devrait en tout état de cause être exclu dans le cas de contacts directs avec les usagers du service public que sont les détenus ».

Malgré ce rapport et la nouvelle convention signée entre leur congrégation et le ministère de la Justice, les religieuses catholiques continuent d’organiser à leur convenance la scolarisation de la plupart des détenues. Or, les « sœurs », qui sont pour la plupart d’anciennes surveillantes et qui ont toujours ce statut, n’ont aucune qualification professionnelle pour enseigner. Et, même dans ce cas, elles ne pourraient être des partenaires pour l’Éducation nationale qui s’est vue confiée par le ministère la tâche d’organiser l’enseignement dans les prisons, par le fait même du prosélytisme qu’elles affichent dans leurs vêtements.

La présence des religieuses catholiques en soutane n’est-elle pas, en plus, une agression permanente, non seulement pour une partie du personnel, mais encore pour la plupart des détenues qui sont d’origines multiconfessionnelles et pluriethniques ?

La direction de la prison trouve évidemment son compte dans l’omniprésence des religieuses catholiques, parmi lesquelles on rencontre rarement des militantes syndicales. Bien au contraire, au moment des grèves des surveillants pour obtenir la « parité police », les religieuses, à la grande satisfaction de l’administration centrale, jouèrent toutes, sans exception, et très efficacement, le rôle de briseuses de grève.

Quoi de plus précieux pour un directeur de prison, à qui il n’est pas demandé en priorité d’éveiller l’esprit des détenues, mais de veiller à ce qu’elles ne franchissent pas les murs et aussi d’assurer le bon ordre intérieur de l’établissement que la présence permanente dans « ses » murs de « l’Ordre catholique de Marie-Joseph ».

Les détenues ne rêvent que de liberté, les religieuses que d’enfermement. Comme disait une vieille détenue : « Quand on vu arriver les surveillantes laïques, de vraies femmes, ayant une vie privée avec enfants, maris ou amants, cela a été un ballon d’oxygène ».

La présence des « sœurs » est une entrave à la loi qui donne à chaque femme le droit d’avorter. En effet, c’est un problème auquel beaucoup de femmes de Fleury-Mérogis sont confrontées. Soit elles arrivent enceintes, soit elles le découvrent lors de l’examen médical pratiqué à l’entrée. Certaines apprennent aussi leur séropositivité. Donc, le problème de l’avortement pour toutes ces femmes est crucial. Elles subissent de la part des « sœurs » une pression insupportable et, pour certaines, insurmontable, ce qui a entraîné des histoires terribles, où les détenues ont laissé une grand partie d’elles-mêmes.

Voilà comment fonctionne une institution « laïque et républicaine », qui prétend respecter les femmes, leur conscience et la liberté de penser, inscrite en toutes lettres dans notre constitution.

Cunégonde Candide