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À la petite semaine

Bilan

Le jeudi 8 janvier 1998.

Puisque les fins et débuts d’année restent propices à l’établissement de bilans, ne dérogeons pas à la règle. Après trois années d’existence, il apparaît donc que cette chronique régulière n’a pas toujours eu l’heur de plaire à chacun. S’il n’y a rien de surprenant à cela, la violence grotesque de certaines réactions révèle en revanche, chose curieuse, qu’une publication libertaire peut charrier elle aussi son lot de lecteurs à œillères, indécrottables adeptes du premier degré et soldats du sectarisme militant bardés de certitudes inquiétantes. Dans leur courrier musclé s’étale, entre deux insultes, la mixture indigeste qui leur sert de pensée barbelée, où se mêlent un soupçon d’intolérance, une louche de bêtise, un zeste de fanatisme. Deux exemples.

Que le qualificatif de « girouette » ait pu être attribué ici au chanteur Renaud, pitre préélectoral parmi d’autres, aura ainsi valu au signataire de cette rubrique de devenir sur-le-champ un « stalinien ». Le faux loubard-faux anar peut bien avoir justifié naguère son soutien au PC de Georges Marchais au nom de « la solidarité avec les minorités opprimées » (sic), s’être fait tour à tour gaucho d’opérette, écolo d’isoloir, socialiste de bureau de vote, avoir pleuré sans pudeur la disparition de son Tonton… il faudrait ne pas en rire un peu. Qu’on se rassure, le nombre des victimes de la « Petite Semaine » traduit chez son auteur, eu égard aux 85 millions de morts évoqués par un récent Livre noir, un « stalinisme » franchement peu performant…

Que dire, par ailleurs, de ces talibanes qui, réagissant à un écho raillant la stupidité de certaines revendications féministes, n’hésitent pas à écrire que « l’égalité économique et sociale (me) dégoûte », dénonçant mon « adhésion sans partage à l’oppression dominante », pour mieux « réinventer la mysoginie » ? Pour l’ignorer à ce point, le sens de la mesure, de la nuance et de la finesse serait-il pour elles un résidu de patriarcat ?…

Il faudrait encore évoquer les « anarcho-patriotes » menaçants, le fan-club des intellectuels de décoration, les ignorants bornés du second degré prêts à me croire sans rire balladurien, trotskiste, militariste, de gauche, ami de Mme Tiberi, voire même — horreur ! — syndicaliste.

À toutes celles et à tous ceux-là, une poignée, je souhaite une bonne santé et des forces de réaction intactes, car je compte fort les agacer ici même en 1998. Aux autres, point n’est besoin de préciser que le passage d’une année à l’autre ne changera rien à l’amitié et à l’estime que nous éprouvons par cet hebdomadaire interposé.

Persifle et signe.

Floréal