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Rennes

La Lutte des chômeurs continue

Le jeudi 15 janvier 1998.

Depuis décembre 1997 les actions des chômeurs se multiplient en France, et les effets d’annonce du gouvernement n’atténuent en rien le mouvement. Face à la précarisation de la société et à la constitution d’une Europe des inégalités, une action collective et solidaire de tous les chômeurs, précaires, salariés et étudiants est plus que jamais nécessaire.

À Rennes, malgré une mobilisation tardive, sous l’impulsion de la CGT et d’AC  !, la lutte s’organise. Le mardi 6 janvier se tenait une première manifestation, place de la mairie, qui réunissait 150 personnes. Il fut décidé pour le lendemain, jour des négociations nationales, une occupation des ASSEDIC. Celle-ci n’a pu se tenir, les locaux étant fermés et protégés par des vigiles. Il fut alors décidé d’occuper la mairie. Une délégation est reçue par le maire, qui nous renvoie sur la préfecture afin de rencontrer le préfet et le directeur de l’ASSEDIC.

N’obtenant aucun résultat, nous partons pour occuper la Direction régionale du travail et y passer la nuit. Après quelques heures d’occupation, devant l’incapacité de la CGT à gérer efficacement cette initiative — occupation partielle, ne pas faire d’incidents… — le directeur de la DRT fait rentrer les CRS. Nous sommes expulsés sous les gaz lacrymogènes. Après un moment de flottement nous nous rendons à la Direction régionale de France 3 afin de les informer de l’intervention policière. La presse locale et régionale se fera l’écho de ces provocations.

Le rôle étrange de la CGT…

Face à l’urgence de la situation, nous tenons une assemblée dans les locaux de la Maison du peuple sous les hospices de la CGT. Un bilan de la journée fut dressé et nous décidons de nous retrouver le lendemain matin en AG afin d’établir ensemble les bases communes de notre mouvement, et en particulier de rédiger un cahier de doléances. L’AG se déroule dans un climat tendu. La CGT qui tient à ses prérogatives se heurte à l’ensemble des chômeurs qui réclament plus d’autonomie. Un tract commun est finalement rédigé exprimant les revendications de l’ensemble du mouvement :

  • un emploi stable pour tous ;
  • priorité absolue à la mise en discussion de la loi contre l’exclusion ;
  • refonte totale du système d’indemnisation ASSEDIC ;
  • représentation des chômeurs dans toutes les instances de décision.

Un rassemblement est décidé pour 14 heures place de la mairie. Un comité d’action regroupant des délégués des différentes compsantes se constitue afin de trouver des lieux d’occupation. Le Trésor public est la première cible. Suite au manque de détermination de la CGT, nous ne pouvons éviter une nouvelle expulsion par les CRS. Nous nous dirigeons vers la gare afin de bloquer les voies. Le Comité d’action nous invite à bloquer une desserte locale sans intérêt, laissant passer un TGV Paris-Brest.

Bilan négatif. Les chômeurs déçus, souhaitent alors remettre à plat la stratégie du Comité d’action développée sous la pression de la CGT.

Le vendredi, nouvelle AG houleuse dans les locaux de la CGT. Les chômeurs contestent l’hégémonie de la CGT sur le mouvement et proposent un lieu de réunion indépendant de la centrale syndicale, afin de préserver leur autonomie. La Maison des associations est sollicitée et donne son accord… La CGT embarrassée laisse faire. Une assemblée générale se tient alors, à laquelle participe, sans intervenir, la CGT, qui mise sur l’échec de l’auto-organisation des chômeurs. L’assemblée sans l’appui légitime de la CGT, après discussion libre et démocratique, confirme les revendications établies la veille et décide la poursuite du mouvement. L’assemblée reçoit l’appui matériel et financier de SUD-PTT et de la Fédération anarchiste, sans contrepartie.

La CGT, devenue minoritaire, quitte la salle. Un tract rappelant l’ensemble de nos revendications est diffusé le samedi matin dans les quartiers et sur les marchés de Rennes.

Le Comité « Chômeurs, précaires en colère », ayant acquis son entière autonomie, appelle à la poursuite de la lutte, malgré les résultats, jugés plus qu’insatisfaisants, obtenus lors des négociations gouvernement-syndicats-associations de chômeurs du jour précédent.

Pour nous la lutte continue.

Les libertaires rennais membres du comité