Si vous passez un de ces jours à San Diego, ville américaine frontalière du Mexique, vous aurez la surprise de croiser tout d’abord un mur de 3,5 kilomètres de long. Quelques mètres plus loin, en parallèle, vous en verrez un autre de la même longueur. Si vous parvenez à déjouer la vigilance des flics qui patrouillent nombreux dans ce secteur, vous apercevrez un troisième mur, tout aussi parallèle et tout aussi long. Œuvre d’art ? Piste d’atterrissage pour ovnis ?
Eh non ! Tout simplement, ces trois murs font partie du projet expérimental américain de lutte contre l’immigration clandestine, en provenance de l’Amérique centrale et du Sud, et plus précisément pour les clandestins en provenance de Tijuana, au Mexique. Ces 3,5 kilomètres de murs ont coûté 4,3 millions de dollars pour leur construction. Mais nous direz-vous : « un mur ça se contourne ». Bien entendu. Mais pour l’État américain, ce projet sera certainement concluant en fonction du nombre de morts supplémentaires que ce mur apportera. En fonction du nombre de ceux qui devront, pour quitter la misère [1] faire des kilomètres supplémentaires pour trouver un autre passage en cet endroit précis de la Californie que l’on nomme désert [2]. Mais ils seront encore nombreux à venir dans le pays de la liberté, à moitié morts peut-être, mais ils viendront et passeront. C’est bien ce qu’à prévu l’État américain, puisque le projet expérimental passé, il s’attellera au projet tout court : un mur de 106 kilomètres de long, toujours au même endroit. Mais, et encore mais, que le mur fasse 3 ou 106 kilomètres, c’est reporter le problème (diminué tout de même) à 3 ou 106 kilomètres plus loin. Alors l’État américain a certainement prévu un mur pour toute la longueur (soit environ 1000 kilomètres, l’autre millier de kilomètres qui sépare les deux frontières l’est par le fleuve Rio Grande). Soit un coût de presque un milliard 250 millions — en dollars — de sa frontière avec le Mexique.
Si ce mur est un phénomène nouveau, la politique anti-immigration des États-Unis n’est pas nouvelle, et se situe dans la même logique que ce qui se passe en Europe. Le pôle nord-américain (États-Unis et Canada) a juste un peu d’avance, tant dans sa forteresse extérieure qu’intérieure, où depuis quelques années les riches se regroupent dans d’immenses résidences entourées de barbelés et protégés par des vigiles. Si nous n’en sommes pas encore là, avec l’expulsion toujours plus massive des immigrés, Shengen, le fichier informatique européen (Système informatique Shengen), le renforcement constant des polices et leur collaboration, la police supranationale européenne (Europole) [3]… les États de l’Europe s’y dirigent.
Ce n’est que dans cette optique mondiale qu’il nous faut voir la lutte des sans-papiers. Germe d’une résistance à ce nouvel ordre mondial et qui entend gérer la planète au profit de quelques-uns, et aux dépens de nombreux autres. Mais, outre les revendications immédiates, la régularisation de toutes et tous, il faut articuler la lutte autour d’axes plus globaux, comme la liberté de circulation. Revendication qui n’est plus celle essentiellement des anarchistes, mais aussi des sans-papiers eux-mêmes.
Alexis
groupe libertaire de Tours