Accueil > Archives > 1997 (nº 1065 à 1104) > 1076 (20-26 mars 1997) > [Les Sans-papiers toujours en lutte]

Les Sans-papiers toujours en lutte

Le jeudi 20 mars 1997.

Le vendredi 7 mars la métropole lilloise semblait ne devoir vibrer que pour les Jeux olympiques. Parmi les milliers de personnes qui s’étaient rassemblées sur la place du générale de Gaulle, combien savaient que les sans-papiers étaient depuis 53 jours en grève de la faim et que l’un d’eux venait d’être évacué par les pompiers après un évanouissement. Mauroy qui signa le 27 mai 1982 le décret qui instituait le certificat d’hébergement que doit réformer le projet de loi Debré, Mauroy qui refusait il y a peu de soutenir les grévistes de la faim, voulait nous faire croire que la candidature lilloise aux JO 2004 était celle de la fraternité entre les peuples.

Pour protester contre tant d’hypocrisie, le collectif des réfractaires à toutes les lois anti-immigrés a accueilli à sa façon la délégation qui revenait de sa rencontre à Lausanne avec le président du Comité international olympique. Une banderole « Pas de papiers — pas de JO. Des papiers pour tous ! » fut déployée vers 18 h 30 lorsque la délégation arriva. Un tract intitulé « Lille 2004 : pendant que vous en rêvez, des sans-papiers sont en train de crever » fut distribué, rappelant que les jeux olympiques ne sont pas l’expression de la fraternité entre les peuples mais l’exaltation du fric et du chauvinisme. Cette action ne fut pas du goût des autorités puisque les manifestants furent chargés par les CRS très rapidement, interrompant ainsi les slogans tonitruants des réfractaires. Plusieurs personnes furent interpellées pour contrôle d’identité.

Pressé d’en finir avec cette lutte, Alain Ohrel, préfet de Lille, a décidé de procéder dans la matinée du mercredi 12 mars à l’évacuation " sanitaire " de 17 sans-papiers dont 8 grévistes de la faim. Alain Tredez, vice-président vert du conseil régional, qui avait entamé un jeûne de soutien le week-end précédent, fut copieusement frappé à terre par les CRS. L’indignation provoquée par ce nouveau « coup de hache » rassembla plus de 1500 personnes le soir même. Le collectif des réfractaires fit dans l’après-midi deux rapides occupations au siège de la Direction centrale du contrôle de l’immigration et de la lutte contre l’emploi des clandestins (DICCILEC) et dans une des annexes de la préfecture avant de rejoindre la manifestation de protestation. Décidément les autorités avaient choisi la provocation puisque dans la même journée le squat de la rue Meurein fur évacué et la compagne d’un des sans-papiers avait été interpellée en marge de la manifestation. La veille déjà, quatre personnes dont un étudiant marocain avaient été interpellées. Par ailleurs, la préfecture fidèle à sa volonté de casser le comité des sans-papiers cherche à diviser en conditionnant le moratoire très provisoire pour l’expulsion des seuls grévistes à la « cessation de toutes occupations de locaux » et en maintenant la logique du cas par cas. Selon le préfet, un gréviste et sa conjointe feront l’objet d’une régularisation, deux des grévistes sont prétendument inconnus de ces services ; les autres grévistes et leurs familles seraient maintenus sur le territoire à titre « humanitaire et pour des raisons médicales ». Sur les dossiers jugés prioritaires par le Comité des sans-papiers, le préfet estime que 48 « font d’ores et déjà l’objet d’un refus de séjour ou d’un arrêté de reconduite à la frontière ».

Le vendredi 14 mars le collectif des réfractaires à toutes les lois anti-immigrés et le collectif pour l’abolition des frontières occupa durant une demi-heure les locaux de la DDASS. Il s’agissait pour eux de montrer que, attester que l’état de santé de grévistes de la faim nécessite une hospitalisation ; déclarer que les locaux où se mène cette grève sont insalubres n’étaient pas des actes neutres mais une participation active de la DDASS au système répressif. Dans le tract « La DDASS police médicale » qui fut distribué au personnel les deux collectifs rappelaient d’une part qu’" en choisissant la grève de la faim comme arme pour leur régularisation, les sans-papiers de Lille comme avant eux ceux de Saint-Bernard, ont fait de leur corps l’instrument de leur lutte. Une manière de dire que ce corps est la dernière chose qui leur appartient à l’heure où on leur dénie tout droit à vivre normalement dans ce pays. Mais le corps des grévistes de la faim devient l’enjeu d’une contre-offensive du pouvoir " et d’autre part que l’argument d’insalubrité du local ne tenait pas puisque lorsque les sans-papiers ont tenté d’investir l’auberge de jeunesse du centre ville pour quitter l’insalubrité du local de la rue du marché où ils menaient leur première grève de la faim, ils se sont fait délogés sur ordre de la mairie.

La solidarité avec les sans-papiers s’intensifie cependant. La manifestation du 15 mars a réuni plus de 1000 personnes une nouvelle fois. A noter la présence de sans-papiers de Saint-Bernard. Un nouveau jeûne de solidarité était organisé ce dimanche

16 mars. Depuis quinze jours une collecte quotidienne est tenue sur la faculté de Lille III. Une intersyndicale des instituteurs regroupant SGEN-CFDT Lille, SUD éducation, la CNT-AIT et le SNUipp-FSU du Nord ont décidé de continuer l’action contre le retrait de 129 emplois programmé par le ministère de l’éducation nationale et contre les 235 fermetures de classes que l’inspecteur d’académie entend proposer au Comité technique paritaire le 18 mars. Un préavis de grève a été déposé pour cette journée du 18 mars et un rassemblement de protestation est organisé devant l’inspection de l’académie entre 11 h 30 et 15 h 30 avec pique-nique de solidarité avec les sans-papiers. Le bénéfice de la vente de sandwiches, boissons sera intégralement reversé aux sans-papiers. Samedi 22 mars une marche sur le centre de rétention de Lesquin est programmée.

Christophe Fétat — groupe May Picqueray (Lille)