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Cinéma

Happy together

Wong Kar-wai
Le jeudi 22 janvier 1998.

C’est un des réalisateurs surdoués de Hong-Kong, pris dans ses contradictions et ses envies. Ses films sont très personnels. Sortis en désordre en France, la découverte de « Wong Kar-Wai » s’est faite avec « Chinking Express, » film haletant, speedé, avec des personnages inédits. Après vint « Nos années sauvages » qui parle des désirs de plusieurs personnages qui se croisent dans une ville nocturne, et dont les destins finissent par s’emmêler, comme on se mêle les pédales dans les histoires d’amours multiples qui surgissent sans crier gare et sans certificat de mariage. « Fallen Angels », son film météore visuel effleure seulement la ville et les gens. Tourné avec les chutes de « Chunking Express », il défile à toute vitesse en suivant visuellement un tueur, ses balles, ses nanas. « Happy together » est strictement et complètement différent de tous ses films précédents. En tous cas, il a la maîtrise en plus. Kar-Wai réunit les deux stars du cinéma de Hong-Kong : Leslie Cheung et Tony Leung. Surprise, il fait de ces deux séducteurs mâles un couple qui s’aime, se déchire, se sépare. Comme dit Faßbinder, dans un couple, il y en a toujours un qui souffre plus. Ils quittent Hong-Kong pour l’Argentine, se perdent et se retrouvent. L’un est employé comme rabatteur dans un Tango bar, l’autre flotte comme les airs de tango. Un poème avare de paroles, une visualisation grise, sépia, colorée en fonction des sensations éprouvées ou par les personnages ou par le spectateur. À Cannes, le film a eu, et mérité, le prix de la mise en scène. Un film triste et drôle, léger et fort, c’est beau. Il se termine en réflexion très philosophique sur l’enracinement, nécessaire garant d’un retour et d’une possibilité de vie.

Heike Hurst
émission Fondu au Noir (Radio libertaire)