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Partageons les richesses, pas la misère…

Le jeudi 29 janvier 1998.

Nous sommes aujourd’hui dans une situation où les politiques se révèlent incapables de démonter les mécanismes d’exclusion, de paupérisation en cours. Veulent-ils même les enrayer ? En effet, le chômage est le produit d’une logique économique et politique, celle du capitalisme. Le travail, qui est la source de revenus de l’immense majorité, subit la loi de l’offre et de la demande. Le chômage (mais surtout la menace du chômage) a des conséquences sociales sur ceux qui travaillent : généralisation du « travail précaire » et remise en cause généralisée des acquis sociaux. L’heure n’est donc plus au partage du travail (en fait, le partage du chômage) mais à la répartition égalitaire des richesses que nous produisons. La vraie démagogie, c’est de laisser croire qu’un gouvernement, qu’un bulletin de vote pourra changer quoi que ce soit.

Comment lutter contre le chômage sans combattre le capitalisme ?

Pour diminuer le chômage, on constate qu’il existe des lieux communs, repris par la classe politique. Créer de nouveaux emplois grâce aux économies faites sur le dos des travailleurs auxquels on demande d’accepter contraints et forcés, de travailler moins (en nombre d’heures), de gagner moins et d’être plus flexibles. Dans les faits, on sait que dans les entreprises où le partage du travail a été pratiqué, il l’a été sous prétexte de préserver des emplois, mais à aucun moment dans le but de créer de nouveaux postes. Le discours dominant évoque la création d’emplois, essentiellement sous la forme de petits boulots. Dans le même temps, on constate que, ces dernières années, le nombre d’heures supplémentaires a doublé (enquête INSEE), que les emplois précaires représentent près de 25 % des emplois salariés (10 % en 1975).

Cette solution des petits boulots et des stages bidons (d’ailleurs fort lucratifs pour les patrons) est non seulement intolérable mais représente un gâchis à l’encontre des individus, qui n’ont d’autres possibilités pour survivre que d’être exploités et/ou assistés par l’État et les patrons.

La « flexibilité », quant à elle, n’a absolument pas pour vocation de permettre des embauches, mais au contraire de rationaliser la gestion de l’entreprise au profit du patronat. Le patronat se saisissant de toutes les occasions pour mettre en place des plans de restructuration qui représentent autant d’importantes régressions sociales (le passage aux 35 heures en sera une). Cette notion de partage du travail ne tend, en fait, qu’à mettre en opposition, les chômeurs et ceux qui travaillent, alors que la véritable opposition demeure celle entre exploiteurs et exploités. Dans le cadre du capitalisme, la disparition du chômage, de la misère est une utopie !

Jospin, Gayssot, Voynet, continuent le plan Juppé…

Derrière un discours pré-électoral, la gauche plurielle a du mal à cacher la réalité. Au gouvernement, elle gèrent au mieux les « intérêts supérieurs de la France », traduisez ceux du capitalisme. Elle annonce à grand coup de pub des emplois-jeunes, mais continuent de diminuer les effectifs — Gayssot supprime 1000 emplois dans son ministère — sauf dans la police. La gauche plurielle vote la réduction du temps de travail, mais refuse son application au sein de la fonction publique (le seul endroit où elle engendrerait des emplois). Tous ensembles, au nom de l’efficacité du service public : ils vendent France Télécom ou préparent d’autres privatisations. Bref en prenant la suite d’Alain, ils endossent et s’approprient les objectifs du plan Juppé.

De l’argent il y en a ! la preuve : l’État a financé en grande partie les deux voyages du pape (qui ont coûté très cher). En 1990-1991, pour payer la guerre du Golfe, la gauche a su trouver les financements nécessaire. Qui peut croire que le gouvernement n’aurait plus d’argent pour augmenter les minima sociaux, les salaires ? Ce gouvernement — comme les précédents — nous prend pour des cons. Pouvait-il en être autrement ?

Non à la charité

La sacro-sainte loi du marché n’est ni de gauche, ni de droite. Elle ne correspond pas, en vérité, aux besoins réels des personnes mais seulement aux intérêts de ceux qui nous exploitent… Les autres sont exclus, sacrifiés pour les besoins du profit. Si nous ajoutons à cela que nombre de travaux sont loin d’être indispensables, voire même nuisibles, il paraît évident qu’une nouvelle organisation du travail, dans sa répartition et son contenu, est non seulement une question essentielle pour l’avenir de l’humanité mais un problème auquel il est maintenant urgent d’apporter une solution. La logique mondiale du capitalisme est celle du profit immédiat et du transfert de nombreuses productions en direction de pays ou la main d’œuvre est la moins coûteuse (voir le transfert des usines Renault de Vilvorde à Moscou). Les Européens ont tout autant le droit de travailler que les Asiatiques et ceux-là ont parfaitement le droit de ne pas être plus exploités que les Européens qui ont encore du travail.

Nous ne pouvons partager le travail sans partager les richesses. Nous ne pouvons admettre que certains se partagent la misère tandis que d’autres se partagent les bénéfices. Partager, oui, mais tout partager. Les privilèges doivent être abolis, les ressources naturelles appartenir à tous. Le travail doit avoir pour objectif de subvenir aux besoins matériels des individus et non de les aliénés. La production doit être utile (conçue pour durer et non pour maintenir le taux de production) et rationalisée dans l’intérêt de la collectivité non dans celui du patronat. Un temps de travail réduit pour tous ; un temps libre accru pour tous, une société garantissant au minimum à chacun un logement décent, les besoins vitaux de nourriture et de soins ainsi que l’accès à la formation.

Oui à l’égalité sociale

Un partage du travail réel et effectif ne peut s’instaurer que dans une société débarrassée des logiques économiques basées sur l’exploitation et les profits. c’est-à-dire une société ayant pour base l’égalité économique et sociale. Un partage réel ne peut être parcellaire : les décisions et la gestion doivent devenir l’affaire de toutes et de tous ; le terme « gestion » étant pris dans un sens global.

En effet, toute production ayant pour objectif un mieux être social, la gestion de celle-là doit être organisée par les consommateurs ou usagers. Tout cela ne va pas tomber du ciel, un « grand soir », il faut donc, dès aujourd’hui, entamer un processus menant à une abolition du salariat, ainsi que du chômage.

Ne pouvant compter sur la classe politique ni sur le patronat pour opérer un tel changement, les exploités devront compter que sur eux-mêmes et gérer enfin leurs propres affaires, décider enfin de quoi sera faite leur vie quotidienne.

La Fédération anarchiste est une organisation révolutionnaire dont le projet demeure une société égalitaire fondée sur le fédéralisme et la gestion directe. Ses militants sont engagés dans diverses organisations syndicales ou associations, afin de parvenir, dès aujourd’hui, à des progrès sociaux allant dans le sens d’une émancipation sociale réelle pour tous et toutes. Il est possible, dès maintenant, d’entamer un processus revendicatif capable de mener à une remise en cause des vraies raisons du malaise, à savoir le capitalisme privé ou d’État. Nous exigeons la réduction du temps de travail dans tous les secteurs d’activité, sans diminution des revenus et il nous semble parfaitement évident que nous n’obtiendrons satisfaction que par la lutte. Il appartient donc aux salariés d’être aujourd’hui solidaires en actes des exclus ; cette solidarité passe nécessairement par une solidarité des salariés entre eux.

Groupe Louise Michel (Paris)