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Congrès de Ras l’front, Lyon, 17-18 janvier 1998

Déclaration de la Fédération anarchiste

Le jeudi 29 janvier 1998.

Combattre le fascisme, ce n’est pas seulement combattre le FN mais tout le fascisme, qu’il soit ouvert ou larvé, qu’il soit brun ou rouge.

Or les deux piliers théoriques du fascisme que sont le nationalisme et la défense du capitalisme sont partagés par l’ensemble de la classe politique. Les nuances qui peuvent exister ne doivent pas masquer ce consensus sur le fond. Le FN n’est pas au pouvoir mais ses thèmes et ses politiques sont largement partagés, et repris par beaucoup d’autres.

Des lois racistes et xénophobes, même si elles sont appliquées par la gauche, restent des lois racistes et xénophobes. Désigner les immigrés comme étant responsables d’un certain nombre de problèmes socio-économiques ne peut que favoriser un climat et des politiques xénophobes. Désigner l’immigré légal et intégré comme « bon » et le clandestin comme « mauvais » divise artificiellement la question sociale, attise les haines et ne donne aucune solution. Ce triste jeu ne peut que profiter aux plus radicaux, les fascistes.

Mais n’oublions pas que le fascisme n’est pas totalement lié au thème de l’immigration, comme le montre l’exemple de l’Italie où le MSI néo-fasciste et l’Alliance Nationale post-fasciste n’en font pas leur principal cheval de bataille. L’arrivée au pouvoir de l’AN dans le gouvernement Berlusconi n’a d’ailleurs pas entraîné de grandes ruptures sur ce plan.

Le fascisme, néo ou post, et son avatar, le national-socialisme, signifient donc autre chose. Historiquement, ils sont liés aux conséquences de la première guerre mondiale, à l’exacerbation nationaliste, à la peur de la révolution sociale puis à la crise économique. De « contre-révolution préventive », le fascisme est devenu gestionnaire du système capitaliste, mêlant mesures libérales puis mesures étatistes et planificatrices.

Aujourd’hui, le capitalisme néo-libéral a-t-il besoin du fascisme ? La situation des États-Unis et du Japon, les deux premières puissances industrielles où le fascisme organisé est électoralement faible, nous inciterait à dire non. La situation française nous dirait plutôt « pas encore ». Il ne faut donc pas se tromper de combat : au-delà de quelques percées électorales, parfois facilitées par des attitudes débiles de la gauche comme à Vitrolles où elle a osé présenter un candidat tricart face au fasciste Mégret, le danger du F.N. ne doit être ni sous-estimé, ni surestimé. Sa surestimation profite à tous les politiciens éreintés par le bilan socio-économique désastreux des quatorze ans du pétainophile et bousquetophile Mitterrand, et qui cherchent à se refaire une vertu politique au nom du grand front électoral antifasciste. Nous ne tomberons pas dans le panneau.

Nous, anarchistes organisés, sommes partout où nous le pouvons dans le combat antifasciste, comme nous l’avons fait au cours des révolutions russe, espagnole ou chinoise, payant alors un lourd tribut. Nous restons convaincus que l’égalité économique et sociale ainsi que la liberté sont les seules armes à opposer au fascisme. Nous encouragerons toutes les initiatives allant dans ce sens dans les quartiers comme dans les entreprises : auto-organisation des luttes, prise de décision en assemblée générale, mandatement impératif et contrôle des mandats.

Le combat actuel des chômeurs et des précaires montre bien que la xénophobie disparaît de l’actualité lorsque les exploités luttent au coude à coude ! Et, comme pendant le mouvement de novembre-décembre 1995, le FN rase alors les murs.

La société actuelle, fondée sur l’exploitation économique, l’oppression sociale et la domination culturelle, sur la soumission à l’autorité, ne peut combattre le fascisme. Au-delà, c’est bien la question du pouvoir qui se pose. Seule une société libérée du joug de l’État et du capital peut garantir la prospérité, la liberté et l’épanouissement de toutes et de tous. Vive l’autogestion !

pour la Fédération anarchiste, Philippe Pelletier