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XII siècles d’usurpation pontificale

Le jeudi 29 janvier 1998.

L’image finale de la venue du pape en août : Lionel Jospin flanqué du cardinal Lustiger plus mielleux que jamais (il se voit déjà pape !) et d’un militaire haut gradé, attendant que le pape descende d’un hélicoptère de l’armée de l’air, rappelait à tous que l’alliance du sabre et du goupillon n’est pas une image désuète pour livres d’histoire. C’est que le pape est chef d’État. Un confetti territorial certes que cet anachronique Vatican, verrue dans la ville de Rome, mais qui permet à l’Église de continuer une intense activité politique.

L’église a toujours attaché la plus grande importance à posséder un royaume qui ne soit pas seulement au ciel. Pour cela toutes les ignominies furent bonnes. Cela remonte à la création de l’État pontifical, au VIIIe siècle. Pépin, fils de Charles Martel, bien décidé à favoriser sa propre famille (les Carolingiens) au détriment de la dynastie en place (les Mérovingiens), et au-delà, à asseoir largement le pouvoir de Francs catholiques en Europe, conclut avec le pape une alliance favorable aux deux parties. Au pontife romain, il reconnaît, en échange de son soutien, le pouvoir temporel sur une partie de l’Italie autour de Rome. Pour donner une crédibilité historique à cet accord de maquignons, la chancellerie pontificale fabrique un faux en écriture, la « donation de Constantin », par lequel l’empereur romain aurait donné ce territoire au successeur de Pierre. Les voix du seigneur sont impénétrables… surtout quand on fait parler les morts.

Le pape, comme tout chef d’État qui se respecte, fera au long des siècles suer ses sujets pour se remplir les poches, et la guerre (par mercenaires interposés car il ne faudrait pas se salir la soutane) pour agrandir son territoire. Malheureusement tout a une fin et au XIXe siècle, la construction de l’État italien voit le pape privé de son cher État pontifical au profit du souverain du Piémont, devenu roi d’Italie. La modernité se profilant à l’horizon, on aurait pu penser que les papes sauraient se contenter de leur rôle spirituel. Pas du tout. Ils se considèrent prisonniers de l’Italie et s’enferment dans le Vatican pour une cinquantaine d’années.

C’est grâce à Mussolini, avec lequel l’Église signe les « accords de Latran« en 1929 (encore en vigueur) qui reconnaissent au pape la souveraineté sur l’État du Vatican, en échange de sa bénédiction du régime fasciste, que la pape accepte de sortir de son trou. C’est grâce à Mussolini donc que le pape peut se prêter aux quatre coins du monde à cet extravagant culte de la personnalité, digne des grandes heures du stalinisme, et à des intrigues politiques qui font ressembler les bénitiers à d’étranges marigots. L’Église livre un combat politique autant que spirituel et ne s’est jamais pour cela embarrassé des moyens.

Franck Gombaud
groupe Sabaté (Rennes)