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éditorial du nº 1110

Le jeudi 12 février 1998.

La semaine passée, un quotidien nous apprenait que l’État du Parana au Brésil sacrifiait un terrain protégé dans une zone de sources pour la future usine Renault. De plus, cet état financera à 40 % l’opération et Renault, des quatre milliards d’investissements annoncés, n’en déboursera qu’un seul. Cela, ce n’est pas de la violence, c’est de la géographie.

Autre nouvelle : Eurocopter, le groupe franco-allemand, veut vendre 145 hélicoptères de combat à la Turquie. Certes, ce ne sont pas les Kurdes qui empocheront les 20 milliards de ce contrat, mais comme déclarent les dirigeants de la firme « si nous ne vendons pas ces hélicoptères, ce seront d’autres qui le feront et cela ne changera rien ». Cela, ce n’est pas de la violence, c’est du bon sens.

On savait déjà qu’un Français sur quatre n’avait plus les moyens de se soigner. Depuis quelques jours, les médecins redécouvrent que le taux de suicide grimpe avec le taux de chômage et la crise économique. Quelle nouveauté, messieurs les spécialistes ! Mais cela, ce n’est pas de la violence, c’est de la sociologie.

François Pinault, PDG du Printemps, de la FNAC, qui pèse 15 milliards de francs, ne paie pas d’impôt sur la fortune grâce à son pognon et à des détournements légaux de la loi. Un jeune, à Strasbourg, pour avoir aidé à préparer un cocktail molotov a été condamné à neuf mois de prison ferme. Cela n’est pas de la violence, c’est de la justice.

Depuis plusieurs années, l’intérim a un succès fou auprès des patrons. De conjoncturel, il est devenu structurel en ce qui concerne les modes de production. Cependant, comme le déclare un haut responsable de ce secteur : « Aujourd’hui, les patrons ont bonne conscience d’avoir à leur disposition des structures qui reprennent les intérimaires à la fin de leur mission ». Cela n’est pas de la violence, c’est de l’humanisme.

Au final, si certains avaient des doutes, et souhaitaient se rebeller, il y a les lois sécuritaires, Vigipirate, les CRS, nos jeunes agents de sécurité, les cours de morale citoyenne et, en prime, bientôt des élections.

Cela n’est pas de la violence, c’est tout simplement l’État.