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Perpignan

Chômeurs

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Le jeudi 12 février 1998.

L’entretien qui suit a été réalisé au « local des chômeurs et précaires » à Perpignan, le 5 février 1998 par Edward (Fédération Anarchiste) en présence de Francine, Jean-Pierre, Nectar et Patrick, quatre chômeurs et/ou Rmistes en lutte, non affiliés à CGT ou à AC !



M.L. : Où en est le mouvement aujourd’hui à Perpignan ?

Nectar : Le mouvement se cherche. Nous sommes dans une sorte de pause après une phase intense d’activisme. Aujourd’hui nous sommes dans une phase de réflexion. Il nous faut voir ce qui se passe ailleurs, comprendre la situation indépendamment des directives ou des conseils des structures AC ! ou CGT… Leurs analyses s’inscrivent dans une démarche, une campagne politique. Nous ne sommes pas là pour ça mais pour notre peau… Quand j’ai parlé de pause, c’est un choix délibéré. On ne peut pas tout faire. Le temps de la réflexion est un temps nécessaire…

Jean-Pierre : J’ai eu une coupure de trois semaines dans le mouvement car j’ai eu un travail saisonnier… Je pense que tout va dépendre de la réunion régionale de samedi à Montpellier [1]. Le mouvement à Perpignan pourra s’enrichir de toutes les analyses et propositions des autres mouvements de chômeurs non manipulés…

Patrick : Nous avons passé la première phase qui a été celle de l’apparition du mouvement. Aujourd’hui nous en sommes à la seconde phase. Le mouvement tel qu’il existe met en évidence sa radicalisation en même temps qu’il en prend conscience… Le mouvement comprend qu’il a besoin d’informations. Or, son apparition a fait ressortir le black-out des médias et des instances politiques. De ce constat est née la nécessité de faire vivre l’information, les échanges sur les pratiques…

La deuxième phase fait émerger une autre nécessité : la coordination au niveau local, régional… Nous devons favoriser la constitution de cahiers de doléances, vérification de l’état des lieux de la misère. L’élaboration des revendications des chômeurs se fera sur la base du bilan dressé par les chômeurs eux-mêmes…

M.L. : Quelles sont les caractéristiques du mouvement à Perpignan ?

Nectar : Ce n’est peut-être pas spécifique à Perpignan, mais c’est la première fois que l’on voit les chômeurs et les précaires sortir de l’anonymat. AC ! existe depuis un certain temps, mais les gens ne faisaient que passer, ils ne restaient pas. Aujourd’hui les gens reviennent et participent à la vie du lieu, chacun à sa mesure. C’est un point important et nouveau…

Jean-Pierre : Le taux de chômage est très important dans les Pyrénnées orientales. Le mouvement a fait bouger et a sensibilisé pas mal de monde. Le mouvement semble être sur la bonne voie…

Patrick : Il serait intéressant de faire un bilan, sur la région, du mouvement depuis son origine. Comment il est apparu ? Quel est son positionnement par rapport aux institutions existantes, AC ! et CGT ? La radicalité est certainement une de ses spécificités, mais cela rejoint le niveau national. En fait l’obtention d’une salle, assez rapidement [2], avec l’appui d’AC ! et du comité de chômeurs CGT, montre que des chômeurs et des Rmistes se sont réellement mobilisés sans être appelés par personne. Maintenant, les chômeurs et les précaires développent une activité dans cette même salle…

Francine : Chacun dans cette salle a le droit à la parole et peut porter sa propre réflexion…

M.L. : Quelles sont les perspectives du mouvement à court et moyen terme ?

Nectar : Les perspectives à très court terme vont à l’encontre des institutions déjà existantes chez les chômeurs. Nous devons regrouper les chômeurs et les précaires, afin de ne pas être noyés dans un catalogue général. Il nous faut éviter les trucs fourre-tout. Il faut retourner vers les ANPE, sur le terrain et appeler à une participation plus large. Nous n’obtiendrons que ce pour quoi nous nous serons battus…

Patrick : Pour moi, aller vers des états généraux de la misère devrait nous permettre de dresser un état des lieux afin d’avoir la vision la plus précise possible de la situation. Nous pourrions ainsi élaborer nos revendications encore plus efficacement…

Jean-Pierre : La perspective, c’est l’amélioration des temps de travail. Nous devons gagner des plages de liberté. Nous devons travailler selon nos besoins et selon nos moyens…

Francine : Les CES sont des précaires. Les associations qui les emploient se comportent comme de vrais patrons.

Sous prétexte d’altruisme, des associations font leur beurre sur le dos des CES. Il nous faudrait les éveiller afin qu’ils rejoignent le mouvement…

Propos recueillis par Edward
groupe Puig-Antich (Perpignan)


Pour contacter le Collectif des chômeurs et précaires en lutte, écrivez au 52 rue Foch à Perpignan


[1Il s’agit d’une réunion qui devrait regrouper « toutesx les structures régionales de lutte des chômeurs, même si c’est AC ! qui organise cette rencontre.

[2Une dizaine de jours après le début du mouvement.