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À la petite semaine

Les Rabatteurs (suite)

Le jeudi 12 février 1998.

« La gauche est contre la droite. » C’est par ce type de déclaration, où un sens aigu de l’observation le dispute à une profondeur de pensée abyssale, qu’on reconnaît, pourvu qu’elle soit assénée de façon péremptoire et au bon moment, les grands leaders désireux d’entraîner leur formation politique stagnante dans une rénovation sans précédent. Mais se limitant à un simple constat, de fortes paroles de ce calibre, aussi originales soient-elles, ne sauraient revêtir un caractère historique que suivies aussitôt par des propos constructifs d’une folle audace, porteurs d’un grand projet novateur susceptible de faire naître un enthousiasme de masse.

Ce fut le cas lors du récent congrès de la Ligue communiste révolutionnaire, au cours duquel son principal porte-parole, Alain Krivine, après avoir rappelé opportunément cette opposition fondamentale entre les deux grands pôles classiques de la politique française, que seule une poignée de chômeurs manipulés ne parvient pas à percevoir, s’est proposé de « rassembler au sein de la gauche ses composantes radicales et anticapitalistes ».

Hélas, il a fallu dans ce dessein grandiose, qu’une tendance très minoritaire de cette organisation, arc-boutée sur des conceptions d’un autre âge, soit venue ralentir cette marche en avant formidable en ne permettant pas à la LCR de changer de nom. Car, faute de pouvoir s’appeler désormais Rassemblement pour la Révolution, qui donnerait un sigle déjà pris et conservé par une grande formation opérant elle aussi une difficile rénovation, nos mutants trotskistes auraient pu opter, en parfaite conformité avec leur nouveau programme, pour Parti socialiste unifié. Il ne manquait même pas ces quelques désolants guignols se réclamant de la pensée libertaire et constamment collés aux basques de cette prétendue avant-garde, éclairée hier, un peu éteinte aujourd’hui, qui n’a trouvé comme solution à sa survie que la mise en route d’un remake de La Recomposition de la gauche radicale, ce navet dans lequel le PSU fit naguère illusion avant de sombrer dans le néant et l’oubli.

Il doit bien se trouver dans les tiroirs de bureau d’un ancien militant de cette organisation défunte quelques communiqués officiels appelant à voter pour la gauche molle au deuxième tour. Ce serait gentil de sa part de les faire suivre aux responsables de la future LCR relookée. Il n’y aura que les dates à changer.

Floréal